… la tempête en moi… Non non non, oubliez Stéphanie de Monaco. Aucun rapport entre ce livre et la chanson, si ce n’est que comme un ouragan, ce roman m’a renversée, m’a emportée et de moi il ne reste plus rien si ce n’est une lectrice encore fiévreuse et totalement incapable de parler de Qui touche à mon corps je le tue, de Valentine Goby.
J’ai découvert cet auteur cet été avec L’Echappée, traitant d’une femme tombée amoureuse d’un Allemand pendant la guerre, humiliée ensuite. Ce nouveau titre est encore assez sombre : trois histoires se croisent et se mêlent. Celles de Lucie L., jeune femme qui se tord de douleur après avoir avorté ; de Marie G., faiseuse d’anges qui attend son exécution dans sa cellule ; de Henri D., bourreau. Le dernier jour, la dernière nuit passent et chacun vit à sa manière ce lent décompte avant l’inéluctable.
Si le sujet a priori macabre peut faire frémir (ou simplement hésiter) quelques lecteurs, il serait bien dommage de ne pas se laisser tenter.
Dans ce récit resserré et dense, trois vies fragiles se superposent : alors qu’un événement majeur approche et s’apprête à bouleverser leur existence, Lucie L., Marie G. et Henri D. laissent leurs pensées tourbillonner, songeant à leur enfance, aux éléments marquants de leur vie et à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Pour des raisons différentes bien que liées, chacun subit l’angoisse écrasante de l’instant présent dans un état de fébrilité qui rend ses réflexions plus lucides et lui permet de percevoir les sensations avec plus d’acuité.
Alors qu’elle se vide de son sang en attendant d’expulser celle qu’elle nomme Else, Lucie L. songe à sa mère, cette femme dont elle incarne le prolongement. Toujours aimée, mariée à un homme amoureux, elle souffre de ne pas exister. Sa quête d’identité, son besoin de devenir entière et une la pousse à rejeter cet enfant qui la dévorerait. Demain elle sait donc qu’elle partira pour peut-être enfin se découvrir.
Coincée dans sa cellule, sous l’œil sévère d’une ampoule toujours allumée, Marie G. repense à ses origines modestes et au premier avortement, fait presque par hasard. Avec une certaine innocence, elle se revoit faire quelques gestes, presque rien ; elle se souvient du confort qui en a découlé, grâce aux cadeaux de remerciement de ceux qu’elle avait aidés. Ses enfants n’ont jamais manqué de rien. Pourtant aujourd’hui on la fait passer pour un être immoral et une mauvaise mère. Abrutie par une sentence inattendue, Marie G. envisage sa propre monstruosité.
Enfin Henri D. songe à ce père qui a cherché à creuser un fossé entre son foyer et la longue lignée d’exécuteurs dont il est issu et qui officie encore à Paris. Elevé loin de l’univers des bourreaux, Henri est naturellement revenu vers ses parents parisiens. Malade les premières fois, père d’un fils suicidé après avoir assisté à une exécution, Henri D. boit pour se maintenir en vie. Pourtant il semble attendre la mort qui pourrait le faucher et mettre fin aux mises à mort et à la souffrance causée par la disparition de René.
Ces destins brisés, ces vies tourmentées et indirectement mêlées sont racontées avec l’urgence qui caractérise l’écriture de Valentine Goby et qui rend avec violence et précision les bouleversements intimement vécus par chaque protagoniste. Vibrant hommage à trois personnages que rien ne devait a priori distinguer des autres (comme le rappelle l’anonymat conféré par le prénom banal suivi d’une initiale), ce roman foisonnant d’émotions ne manquera pas d’ébranler son public. Voilà une lecture riche, sublime bien que douloureuse et un roman immense, intensément vécu, absolument magnifique.
Autre roman de l’auteur : L’Echappée
Sur le métier d’exécuteur, un roman plein d’humour : Dieu et nous seuls pouvons de Michel Folco
136 p
Valentine Goby, Qui touche à mon corps je le tue, 2008
Commentaires
Écrit par : choupynette | 23/09/2008
PS : as tu reçu mon paquet ?
Écrit par : Lilly | 23/09/2008
Écrit par : Anne | 23/09/2008
Tu as été envoûtée par lui, ça se ressent. Moi aussi j’ai été toute chamboulée à sa lecture… ça ne me quitte pas.
Écrit par : Clarabel | 23/09/2008
Écrit par : Laetitia la liseuse | 23/09/2008
Écrit par : liliba | 23/09/2008
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 23/09/2008
Écrit par : Karine 🙂 | 23/09/2008
@ Lilly : Non je ne l’ai pas encore reçu… mais j’imagine alors que ça ne devrait plus tarder :o)
@ Anne : n’hésite pas, il est vraiment excellent. J’avais bien aimé le précédent, celui-ci est encore meilleur!
@ Clarabel : j’ai vu ta critique sur Amazon mais je ne l’ai pas trouvée sur ton blog quand j’ai voulu faire un lien… mais j’ai vu que toi aussi tu avais aimé, tu parlais d’un roman « vibrant d’émotions » : tu as trouvé l’expression parfaite !
@ Laetitia : c’est toujours ce que je me demande quand je suis grandement tentée sur les blogs. Surtout avec une PAL immense !!:o)
@ Liliba : alors il devrait te plaire !
@ Cecile : sage décision, d’autant plus que ce livre est loin de laisser le lecteur passif et indifférent !
@ Karine 🙂 : je suis flattée d’avoir eu une telle influence sur ta journée… même si maintenant tu vas peut-être m’en vouloir longtemps :p
Écrit par : Lou | 23/09/2008
Et moi aussi, j’étais contente de te croiser hier, même si ce fut bref… Trop de monde à ce pince-fesses ! 😉
Écrit par : Tamara | 24/09/2008
Mais je me souviendrai de ce que tu as dit de ce livre et je l’emprunterai peut-être quand il aura été acheté par la bibliothèque.
Écrit par : Brize | 25/09/2008
Écrit par : Cécile | 25/09/2008
Écrit par : In Cold Blog | 25/09/2008
Écrit par : Ingrid | 26/09/2008
@ Brize : C’est un si beau roman, je ne peux que faire du lobbying !
@ Cécile, In Cold Blog et Ingrid : c’est bien c’est bien tout ça :p J’ai hâte de lire d’autres avis sur ce roman qui me plaît tant !
Écrit par : Lou | 26/09/2008
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 26/09/2008
Écrit par : pom’ | 28/09/2008
@ Pom’ : on reconnaît bien son écriture nerveuse et rapide mais je la trouve plus aboutie dans ce nouveau roman. Elle joue par exemple parfois avec la ponctuation mais contrairement à l’effet produit dans son roman précédent, le texte coule ici avec aisance. J’avais bien aimé « L’Echappée », roman auquel je trouvais beaucoup d’intérêt malgré un côté sec et un peu tranchant. Avec ce nouveau roman je suis totalement enthousiaste : les faiblesses de l’écriture du précédent opus ont été gommées ; son originalité reste mais prend une nouvelle ampleur et gagne en fluidité. Bref, une vraie réussite à mon avis !
Écrit par : Lou | 28/09/2008
D’elle, j’avais particulièrement apprécié « L’Antilope blanche », et avais découvert son oeuvre avec « La note sensible ». Apparemment, son écriture a fortement évolué depuis! C’est réjouissant.
Écrit par : Daniel Fattore | 29/09/2008
Écrit par : Lou | 30/09/2008
Écrit par : Florinette | 06/10/2008
Écrit par : Lou | 06/10/2008
Écrit par : Flora | 19/02/2009
Écrit par : Lou | 20/02/2009
Écrit par : Reka | 12/10/2010
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