Chère LCA, bonjour à tous !
Me voilà face à un dilemme (eh oui, rien de moins !) : comment parler d’un livre figurant déjà sur (au moins) 5 529 314 blogs (après j’ai arrêté de compter) ? Mmh, je suis perplexe. Pourtant j’ai promis à Georges Flipo, auteur (presque) aussi chouchouté sur la blogosphère que David Foenkinos, de donner mon avis sur Qui Comme Ulysse, tâche ô combien difficile à laquelle je compte bien m’atteler maintenant. Désolée pour les redites et les rereredites.
Qui Comme Ulysse est un recueil de nouvelles évoquant les voyages. On remarque quelques destinations de prédilection, avec une Amérique latine largement représentée dans ces textes aux thématiques variées. En voici quelques exemples : deux touristes en Thaïlande envisagent le tourisme sexuel en se donnant des excuses fallacieuses ; en Argentine, on danse le tango pour oublier le quotidien ; un comité d’entreprise part discuter business dans le désert ; un blogueur s’invente des voyages extraordinaires sur le Net (« un savoureux mélange de Bougainville et de Gérard de Nerval ») ; ou encore, un écrivain exilé retrouve l’inspiration en préparant des empanadas (miam !).
Ce que j’ai apprécié c’est avant tout la richesse de ce recueil : si certains lieux reviennent plus souvent, les histoires sont toutes uniques et les personnages très différents. Chaque nouvelle est une surprise et crée le dépaysement, entraînant souvent le lecteur là où il ne s’y attendait pas. Si les héros ne manquent pas de défauts, les récits sont souvent amusants : on plaint certains personnages, on se moque d’autres tout en se réjouissant de leurs faiblesses, essentielles au bon déroulement de l’intrigue. Quelques-uns sont plus antipathiques que d’autres, à l’exemple de ces Français prêts à abuser d’une prostituée de dix ans en Thaïlande (texte dérangeant et très bien mené). Une de mes préférées : « l’Indifférent », texte cruel mais très poétique ayant pour cadre le Carnaval de Venise.
Autre réussite : le ton, souvent drôle et ironique, avec quelques petites remarques glissées discrètement çà et là. « Raoul regrette son idée : le tourisme d’affaires, c’est une absurdité. Le tourisme est suffisamment pénible, inutile d’y ajouter les affaires. »
A priori on peut s’attendre à des récits de voyage assez classiques. Pourtant, il n’en est rien. Certains ne partent pas, comme ce blogueur donnant des conseils aux apprentis voyageurs. Pour d’autres, le dépaysement n’est qu’un prétexte, une occasion de s’éloigner du quotidien pour révéler leur personnalité ou découvrir leurs limites : la moralité des touristes en Thaïlande ; l’idéal de vie de cet Argentin venu écrire en France ; le besoin de séduire de ces bourgeoises parties en montagne sans leurs maris ; ou encore ce Français se rendant à la Confitería Ideal pour rencontrer des danseuses aussi désœuvrées que lui. Plus que l’aspect géographique de la chose, c’est ce voyage au bout de soi qui caractérise ces nouvelles.
Enfin la chute, évoquée dans l’histoire de cet Argentin qui ne savait pas les faire (et en France, on aime les chutes !) est souvent logique, parfois anticipée par le lecteur… quoi qu’il en soit la plupart du temps pleine de charme.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai donc moi aussi passé un très bon moment grâce à ce Qui comme Ulysse qui m’a donné envie de découvrir un des textes précédents de l’auteur. Un recueil que je recommande sans réserve, si ce n’est peut-être cette histoire de corridas qui me laisse perplexe.
Merci encore à Georges Flipo pour sa dédicace !
Extrait (« Nocturne ») :
« C’est triste, quand même, cette misère, soupira gravement Dupont Madame.
-Tu ne vas pas recommencer ! s’agaça son mari. C’est comme si tu étais à Abou Dhabi devant le désert.
-Ben, il n’y a pas de rapport !
C’était la réplique qu’attendait Dupont Monsieur.
-Mais si : quand on va à Abou Dhabi, est-ce qu’on se plaint du désert ? Est-ce qu’on dit que c’est ennuyeux ? Non. Le désert, c’est ce qu’on est venu voir. En Inde, c’est pareil, la misère, tu es venue pour ça, tu n’as pas à trouver ça triste. La misère, le désert, c’est pareil, c’es le tourisme.
-Oui, mais quand même…
Dupont Madame savait bien qu’il y avait une faille dans l’argumentation, mais elle ne voyait pas où. Toute sa vie, elle serait bernée par les sophistes. »
252 p
Flipo Georges, Qui comme Ulysse, 2008
Commentaires
Écrit par : Karine 🙂 | 21/09/2008
Écrit par : Gambadou | 21/09/2008
@ Gambadou : non, non, rassure-toi, il y en a encore qui ne l’ont pas lu… mais ces derniers jours je suis tombée sur des critiques un bon nombre de fois (et le blog de Georges Flipo rassemble un nombre impressionnant de critiques) !
Écrit par : Lou | 21/09/2008
Écrit par : amanda | 22/09/2008
Tu as raison de souligner le fait que ce recueil plait a des personnes différentes… pour différentes raisons. Sans doute parce qu’il réussit à faire varier les plaisirs… un peu à l’opposé de cet Argentin racontant des histoires d’empanadas 🙂
Écrit par : Lou | 22/09/2008
En ce qui concerne Haruki Murakami (je me permets de répondre ici au mot que tu m’as laissé sur mon blog), je n’ai pas trop aimé son recueil de nouvelles mais principalement parce que je m’étais fait à l’avance une toute autre idée du livre… ensuite je suis restée un peu hermétiques à certaines de ses nouvelles, d’autres en revanche m’ont plu… mais c’est avant tout une histoire de goût.
En ce moment, du même auteur, je lis « la ballade de l’impossible », et là, réellement, j’adore 🙂
Bonne soirée.
Écrit par : Soie | 22/09/2008
http://fattorius.over-blog.com/article-23047330.html
Effectivement du tout bon recueil de nouvelles – et aussi, il faut le dire, un excellent buzz sur les blogs. Les libraires doivent être contents, surtout qu’il n’est pas évident de vendre des recueils de nouvelles dans le domaine francophone.
Écrit par : Daniel Fattore | 23/09/2008
Merci beaucoup pour ta réponse à ma question sur Murakami. Hier j’ai feuilleté les « Chroniques de l’oiseau à ressort » chez moi… il me tente tout de même… Quant à « la Ballade l’impossible » j’ai lu d’excellentes critiques donc je retiens le titre :o)
@ Daniel Fattore : merci pour ce lien… effectivement il ne faut pas hésiter à renvoyer vers d’autres billets quand je ne le fais pas dans ma note (ou que j’en oublie). Georges Flipo a tout compris au buzz en effet :o) Mais je pense que si son recueil avait été moins alléchant il n’aurait pas rencontré le même succès… c’est donc très positif au final : il faut voir maintenant si ce recueil va également connaître le succès en dehors de la blogosphère. On le lui souhaite !
Écrit par : Lou | 23/09/2008
Écrit par : Thaïs | 23/09/2008
Écrit par : Lou | 23/09/2008
Oui, Daniel Fattore, Georges est redoutable, il sait aussi bien écrire que parler de lui et faire parler de lui. Connaissez-vous beaucoup de gens qui y parviennent sans se faire automatiquement haïr? .
Nous laissons-nous « berner par un sophiste » comme Dupont Madame? Certes, mais avec quel immense plaisir..
Bon, je retourne écrire mon billet sur ce recueil. C’est devenu, un cliché, un topos, mais tant pis, ce serait le 110 millionième déjà écrit que je le terminerais.
Écrit par : M agali | 23/09/2008
Écrit par : choupynette | 23/09/2008
Il va donc falloir que je m’y mette… Qui de vous tous voudrait faire un livre voyageur ? car je ne pense pas le trouver à la biblio et mes finances sont un peu à plat en ce moment…
Écrit par : liliba | 23/09/2008
@ Choupynette : je connais, ça m’arrive parfois ! Quant aux lectures de blogs sans laisser de commentaires, je fais pareil surtout quand j’ai peu de temps !
@ Liliba : Je ne vais pas en faire un livre voyageur car Georges Flipo me l’a dédicacé mais si tu veux je peux te le prêter et tu me le renverras après :o)
Écrit par : Lou | 23/09/2008
En tout cas, ton article donne effectivement envie de parcourir ce recueil de nouvelles dont j’ai entendu parler souvent sur le Net ces derniers temps.
Affaire à suivre, donc…
Écrit par : Marc Legrand | 28/09/2008
Écrit par : Lou | 30/09/2008
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