Autant Barbara Kingsolver a été une aventure bien pénible (finalement écourtée), autant cette deuxième découverte dans le cadre du blogoclub de lecture a été couronnée de succès.
D’Haruki Murakami je n’avais lu que La Course au Mouton Sauvage, roman drolatique un peu fou que j’avais trouvé fort sympathique (sans en garder un souvenir impérissable). Au passage, je tenterai à l’occasion de l’évoquer ici comme c’est un livre dont on ne parle pas beaucoup sur Internet.
Au Sud de la Frontière, à l’Ouest du soleil est un livre bien différent, une sorte de roman initiatique dans lequel Hajime retrace son parcours de l’adolescence à l’âge adulte en plaçant au cœur de son histoire personnelle les relations qu’il a eues avec les différentes femmes de sa vie. De Shimamoto-San, sa jeune voisine de 12 ans perdue de vue, à son épouse, en passant par une première petite amie bafouée, l’histoire montre comment s’est construit un héros assez ambigu (cela dit ses contradictions reflètent sans doute plus justement la réalité et en font un personnage plus complet).
S’appuyant sur des principes solides pour adopter un comportement en général éthique dans le domaine professionnel et financier, Hajime n’en est pas moins faible et injuste envers son épouse, s’autorisant des passades qu’il considère sans importance puis entretenant une relation particulière avec son amie d’enfance au point de songer à abandonner du jour au lendemain femme et enfants. A plusieurs reprises, il affirme clairement rester totalement indifférent devant la souffrance de son épouse, pourtant particulièrement fragile. Par ailleurs, Hajime donne sans cesse l’impression de tendre vers un idéal – idéal de vie, idéal moral, idéal amoureux, plans sur la comète – sans se donner les moyens de l’atteindre. C’est un personnage qui, du début à la fin, se cherche, tente de se construire tout en restant un éternel adolescent, sans doute parce que sa vie lui impose de faire des choix douloureux. Alors qu’il approche de la quarantaine, Hajime donne l’impression d’avoir façonné son identité à l’adolescence pour ensuite végéter tout au long de sa vie adulte, saisissant quelques opportunités et se laissant porter sans chercher à garder un tant soit peu le contrôle de sa vie. D’où des objectifs vagues et une impression de vide insoutenable.
C’est l’aspect universel de l’histoire d’Hajime que Murakami réussit à souligner avec une certaine sensibilité. Condamné ou condamnable, le héros est dépeint avec un détachement qui l’expose directement au regard du lecteur, sans que ses faiblesses et ses souffrances soient mises en avant ou au contraire camouflées.
Ce roman est aussi celui des femmes qui entourent Hajime, toutes différentes, toutes essentielles. Shimamoto-San, qui boitait autrefois, l’amie aimée en secret devenue une femme superbe, mystérieuse. Toujours entourée d’un parfum de pluie, elle reste insaisissable, incompréhensible et radicale, attachée à Hajime par un lien particulier. Izumi, la petite amie du lycée qui, après avoir accordé sa confiance devient un masque inexpressif, ravagé à vie par le comportement grossier et la trahison de Hajime. Quelques passades aux visages de fantômes et enfin Yukiko, l’épouse qui avait perdu goût à la vie après une déception sentimentale et une tentative de suicide. Fille d’un homme d’affaires à la tête d’un véritable empire financier, Yukiko est douce, aimante et effacée. Si son époux l’aime et trouve en elle la plus parfaite des compagnes, elle ne pourra rien faire face aux retrouvailles avec Shimamoto-San.
Au final, voilà l’histoire d’un homme ordinaire saisie par une plume sobre et agréable. Un livre apparemment simple pourtant servi par une narration d’une grande justesse, un regard lucide et désillusionné porté sur un personnage désenchanté. Sans crier au génie (parmi mes lectures japonaises contemporaines Yoko Ogawa reste toujours la plus incontournable à mes yeux), je suis conquise par l’écriture subtile et l’histoire bien menée. Bref, un très bon roman.
Extrait :
« Au fond de ces ténèbres, je pensai à la mer sous la pluie. Il pleuvait sans bruit sur le vaste océan, à l’insu du monde entier. Les gouttes frappaient la surface des eaux en silence et même les poissons n’en avaient pas conscience.
Longtemps, longtemps, jusqu’à ce que quelqu’un arrive derrière moi et pose doucement sa main sur mon dos, je pensai à la mer. »
224 p
Haruki Murakami, Au sud de la frontière, à l’ouest du Soleil, 1992
Commentaires
Écrit par : Karine | 01/09/2008
Écrit par : Manu | 01/09/2008
Écrit par : choupynette | 01/09/2008
Écrit par : Alice | 01/09/2008
@ Manu : n’hésite pas à m’en recommander quelques-uns en particulier pour que je continue… de mon côté j’ai la « Chronique d’un oiseau à ressort » dans ma PAL !
@ Choupynette : oui, je suis aussi dans une phase où je m’interdis de trop augmenter ma PAL !;))
@ Alice : … finalement en liras-tu d’autres ?:)
Écrit par : Lou | 01/09/2008
Écrit par : sylire | 01/09/2008
Écrit par : Alice | 01/09/2008
Écrit par : lamousmé | 01/09/2008
Écrit par : Lilly | 02/09/2008
Écrit par : Cécile | 07/09/2008
@ Alice : je ne sais pas si c’est le plus incontournable, même s’il a été à la mode dans la blogosphère :o) “la ballade de l’impossible” me tenterait bien… à voir!
@ Lamousmé : honte sur toi, oui ;o) Mais je suis sure que Murakami est en bonne place dans ta librairie avec ses écrits semi-fantastiques… alors tu pourrais facilement te laisser tenter!
@ Lilly : si tu as été tentée peut-être que tu finiras par succomber… ce n’est peut-être pas le bon moment de lecture, quoi qu’il en soit les deux Murakami que j’ai lus sont si différents l’un de l’autre que je pense que cet auteur peut répondre à toute une palette de goûts différents – ou opposés.
@ Cécile : et moi j’ai hâte d’avoir ton avis !
Écrit par : Lou | 10/09/2008
Au fait je viens de créer mon 1er swap donc si cela t’intéresse voici le lien:
http://hamnessa.canalblog.com/
Écrit par : hamnessa | 24/09/2008
Écrit par : Lou | 26/09/2008
Je vais avoir du mal a argumenté mon propos vu que ca fait bien 7 ans, et que les choses qu’on n’apprécie pas s’efface avec le temps (enfin pour ce livre c’est le cas) mais c’est peut être ca en faite. L’ennui, l’oublie c’est assez logique .
Chaque personnage me semblait vide, un vide travaillé certe, mais comme une petite flamme éteinte et ce détachement par rapport au événement, la vie et cette capacité a faire le mal et a mal traité ceux qui nous aime.
Une écriture soigné, et en même temps accessible et subtile… Et pourtant bourré de cliché et formaté.
Ca m’avait laissé une tres mauvaise impression sur Haruki, et je dois dire que je suis une féru de Roman Japonais ; et de ne pas aimer, voir détester ce pilier qu’est Haruki dans les roman contemporain, (parce que j’avais lu les amants de spoutnik qui m’avait laissé le même genre de sentiment médusé .) j’etais relativement décu .
Et puis j’ai lu un livre de sa plume, qui est devenue un de mes livres préféré parce que justement je ressens une émotion et une empathie pour ce roman que je n’avais absolument pas ressentit dans les autres. Et ou je ne me suis pas ennuyé une seconde .
‘La ballade de l’impossible’ je ne sais pas si tu l’as lu, c’est un peu le meme genre de schéma qu’avec le roman que tu présentes. Mais a mon sens plus beau, avec une certaine forme de violence et de passion dans les sentiments. Et en même temps cette habitude qu’il a de placé le détail temporel et musical qui donne a ses ‘souvenirs’ une forme de nostalgie ou l’imaginaire pourrait se croire reel. Où on est un peu comme le narrateur perdu dans ses souvenirs .
Une émotion et une fatalité qui m’a vraiment prise a la gorge et ou j’ai enfin réussi a ‘rencontré’ cet auteur .
Bref je vais m’arreter la je suis contente d’avoir découvert ton blog et je repasserais souvant (meme si on est pas forcement d’accord, mais ca aussi c’est intéressant) en espérant ne pas t’avoir agacé avec mes impressions
Écrit par : Chib | 04/04/2011
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