Le vieux Paris

5b3bd69aaf24713b6099ae018c64876c.jpgAprès deux heures de glandouillage intensif sur Internet, je viens de me décider à faire une petite note sur ma dernière lecture (note que j’aurais déjà dû faire mardi soir !).

Découvert grâce à Stéphanie, Légendes et Récits de Paris de Nathalie Tournillon revient comme son nom l’indique sur quelques histoires des rues de Paris, de personnages historiques ou fantastiques.

On retrouve ainsi Ste Geneviève, dont les vieux os reposent encore près du Panthéon. On découvre ici une Geneviève enfant puis religieuse, qui conseille aux Parisiens de prier pour dissuader Attila de s’emparer de la ville et de venir massacrer hommes, femmes et enfants.

Côté fantômes, on raconte qu’un certain écorcheur dénommé Jean fut assassiné à la demande de Catherine de Médicis pour avoir surpris un secret dérangeant. On dit qu’il poursuivit la reine par ses prédictions et qu’il apparut à Marie Antoinette (pendant la Révolution), à Napoléon (avant Waterloo) et au frère de Louis XVIII (deux jours avant la mort du roi), avant de disparaître définitivement après la destruction des Tuileries qu’il hantait depuis sa mort.

Quelques lieux prennent une nouvelle dimension à la lecture de ces récits : le martyr de St Denis donna lieu à la basilique cathédrale actuelle érigée sur sa tombe. Qui se trouve sur l’ancien « Mont des Martyrs », désormais Montmartre. Les Gobelins doivent leur nom à une famille de commerçants ayant fait un pacte avec un gobelin pour devenir riches et célèbres. Denfer viendrait bien du terme « d’Enfer », la voie grouillant avant de tueurs sans scrupule et le Diable en personne étant censé avoir occupé une vieille demeures (et ses caves) à cet endroit.

Ajoutons à cela quelques histoires de rois, le moine bourru, un peu de magie, une bonne dose de catholicisme, beaucoup de barbarie (certaines exécutions rappellent les débuts de Punir et Surveiller de Foucault). Le tout permet de découvrir un Paris oublié où les ponts croulaient sous les maisons, où vivaient de grands personnages de l’Histoire aujourd’hui largement oubliés.

Sur la forme les histoires sont courtes, dans l’ensemble très intéressantes pour ceux qui aiment associer les lieux qu’ils fréquentent aux personnes qui y ont vécu avant eux. Quelques petits dérapages (heureusement rarissimes), tels que – de mémoire – « il se sentait jeune et con » (on ne parle pas de Saez mais d’un jeune homme mort depuis des siècles). Quand on est aussi mauvais que moi en histoire de France on a parfois du mal à resituer les rois et les grandes figures que l’on croise mais cela ne gêne aucunement la lecture. En somme, une bonne introduction à l’histoire populaire de Paris, telle qu’on l’a racontée au coin du feu pendant des siècles.

Petite question annexe : parmi les hypothèses avancées par Tournillon pour expliquer l’oubli dans lequel sont tombées ces histoires, on trouve l’intervention d’Haussmann qui, en détruisant les ruelles tortueuses et insalubres du cœur de Paris, aurait délogé ceux qui perpétuaient cette tradition orale. Eloignés du centre de la capitale, vivant dans ce qui deviendrait ensuite la banlieue, ces personnes auraient cessé d’échanger ces contes populaires. Une autre explication vient du grand brassage des cultures à Paris, avec l’arrivée constante de jeunes d’autres régions venus étudier ou travailler dans la capitale et l’internationalisation de la ville. Ces hypothèses sont intéressantes mais je me demande si cela peut vraiment expliquer non pas la perte de transmission orale (qui s’est produite dans de nombreuses régions) mais le fait qu’on en vient à oublier que Paris a aussi son folklore et ses vieilles légendes. Avez-vous d’autres idées sur la question ?

195 p

Nathalie Tournillon, Légendes et Récits de Paris, 2003

Commentaires

Je l’ai lu (grâce à Stéphanie aussi!) et j’ai beaucoup aimé ces courts récits.
Par contre, je n’ai pas vraiment de réponses à ta question (d’un autre côté, la migraine qui me cloue au lit m’empêche un peu de réfléchir… ;-))
Il faudrait peut être aller vérifier si les traditions orales se sont autant perdues dans les autres grandes villes, françaises ou étrangères peu importe…

Écrit par : Emeraude | 17/11/2007

Tentant. Les traditions orales ne se sont-elles pas perdues partout à mesure de l’urbanisation ? Et puis, est-ce que ça existe vraiment les traditions orales ? ça me fait penser à ces hommes qui, au XIXe, inventaient plus ou moins des contes et des traditions et donnaient une forte identité culturelle à des régions françaises comme la Bretagne.

Écrit par : praline | 18/11/2007

Même si je ne connais pas super bien Paris, cela doit être intéressant ! C’est dommage que ces traditions se soient un peu perdues mais j’ai la sensation que les conteurs reviennent ! Et puis, maintenant, nous avons les légendes urbaines 🙂

Écrit par : Joelle | 18/11/2007

@ Emeraude : j’ai trouvé à Madrid un livre sur des histoires de lieux hantés dans la ville, mais à part dans ce livre, je n’ai rencontré personne au courant de tout cela. Il faudrait aussi que je trouve un livre de ce type sur Londres… si tu as des suggestions…;o)

@ Praline : quand je parle de tradition orale je pense beaucoup à l’idée de transmissions de contes sans le biais de la lecture. J’ai tendance à penser que, les livres étant moins présents avant et les contacts avec les autres régions moins denses qu’aujourd’hui, les mêmes histoires devaient bien revenir de façon récurrente autrefois, déformées à chaque fois qu’elles étaient racontées par quelqu’un d’autre. Les traditions orales se sont (à mon avis) perdues partout ou presque ; en revanche dans beaucoup de régions on trouve facilement des petits livres racontant les légendes « du pays » et beaucoup de grands-mères ou d’arrières grands-mères peuvent encore raconter quelques unes de ces histoires (parfois agrémentées de quelques mots en patoi). Je ne m’y connais pas du tout mais je trouve que c’est un thème intéressant… peut-être qu’on peut trouver quelques livres de sociologie sur ce sujet.

@ Joelle : d’ailleurs, existe-t-il des livres ou des films sur les légendes urbaines de Paris ? C’est aussi super intéressant :o)

Écrit par : Lou | 18/11/2007

merci pour cet article

Écrit par : mama | 18/11/2007

Je l’avais déjà noté! Ceci dit, la perte des traditions orales ne vient-elle pas plutôt de la fin des veillées et des conteurs publics? Enfin, pour ce que j’en dit…

Écrit par : chiffonnette | 20/11/2007

@ Chiffonnette : je suis bien d’accord avec toi, mais je me demande si le folklore des grandes villes s’est perdu en suivant un processus différent. Je pense que le schéma est peut-être proche mais d’autres lieux ont conservé plus de traces de légendes dont les habitants se souviennent encore… très honnêtement c’est plus une question qu’une réponse :o)

Écrit par : Lou | 24/11/2007

Voici un livre intéressant, surtout que je m’intéresse à l’histoire populaire de Paris. J’en ai quelques uns qui attendent sagement d’être lus o))) Il est dommage que ces traditions orales aient disparu avec l’arrivée de la haute bourgeoisie et les boulevards haussmanniens. Les quartiers populaires se sont retrouvés en périphérie et les personnes perpétuant la tradition orale ont peu à peu disparu. C’est malheureusement le cas même en province et dans les campagnes où plus personnes (ou très peu) se retrouvent pour se raconter et s’échanger des histoires datant d’époques anciennes.

Écrit par : Nanne | 04/12/2007

@ Nanne : mince je n’avais pas vu ton commentaire et c’est par hasard que je reviens sur ce billet… C’est vrai que les traditions orales se perdent. Ma grand-mère avait essayé de consigner les contes et histoires de son enfance par écrit mais c’est un cas tellement exceptionnel.

Écrit par : Lou | 13/11/2011

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