Shakespeare & Co

medium_ackroyd_william_cie.JPGUn léger frémissement en provenance de mon étagère. Puis un mugissement de protestation. Et hop ! Voilà Voyage au Bout de la Nuit qui plonge dans le chaos indescriptible de ma chambre. Lucía Etxebarría râle aussi. Depuis le temps qu’un marque-page casse les reins de son Milagro en Equilibrío ! Faut-il croire que votre chroniqueuse a l’esprit si mal tourné ? Inflige-t-elle volontairement une terrible torture aux romans abandonnés dans sa bibliothèque depuis des siècles ? Il faut croire que oui, car malgré tous les espoirs suscités par les bonnes résolutions 2007, j’attaque une fois encore avec Londres, époque victorienne oblige ! Louis-Ferdinand, ce n’est pas un saut dans le vide qui remettra une lectrice perdue dans le droit chemin !

William et Cie faisait lui aussi partie des livres délaissés et casés négligemment dans ma bibliothèque. Notre relation avait pourtant bien commencé, avec une lecture passionnée qui m’avait fait parcourir la moitié de ses pages en un temps record. Puis les vacances se sont terminées, les négociations internationales avec le Président du Chiwawastan ont repris et j’ai abandonné William à son sort… pour le reprendre cette semaine, la mine résolue, les yeux emplis d’espoir – et les lunettes fichées sur le bout du nez.

Ce livre s’adresse sans doute de préférence aux amateurs de Shakespeare. Ne faisant pas partie des fervents admirateurs de ce William-ci, j’étais mal partie.

L’histoire : William Ireland a 17 ans. Fils d’un bouquiniste, il fait la connaissance de la jeune Mary, passionnée comme lui de littérature mais cruellement marquée par la variole. William lui confie une curieuse découverte : une pièce de Shakespeare inconnue, pourtant entière et intacte. Les deux jeunes gens se lient d’amitié et Mary ne tarde pas à s’éprendre de la seule personne qui lui ait jamais accordé son attention. Influencé par son père ambitieux, William est contraint de faire expertiser les documents et de les rendre publics. C’est alors que des soupçons de faux commencent à peser sur lui. Les soupçons s’avèrent finalement justifiés. Trahie, Mary cesse de voir William, lui-même jeté en pâture aux journalistes et abandonné par son père. Mary tue sa mère dans un accès de folie et décède à l’asile. Alors que le doute subsiste tout au long du récit quant aux sentiments que porte William à la jeune femme, le récit s’achève avec une image forte à la symbolique intéressante : William déposant chaque année des fleurs rouges sur la tombe de Mary.

Verdict : un livre plaisant,  une lecture rapide et agréable. La fluidité du texte n’enlève rien aux personnages principaux, qui intriguent rapidement. William aussi bien que Mary sont des esprits torturés, des laissés-pour-compte en quête d’identité. La structure du texte laisse cependant le lecteur sur sa faim. Sans être trop long, le récit entre en détail sur les trouvailles du jeune William et ses premières conversations avec Mary. Puis, soudain, l’histoire s’emballe, une fin en partie imprévue vient bouleverser le récit. La relation centrale entre les deux héros passe au second plan, au profit du scandale des faux. La folie de Mary, bien que peu à peu annoncée, éclate avec une force inattendue, à tel point que le personnage devient moins crédible. Si le but de l’auteur était de surprendre son lecteur, il a sans doute en partie réussi. Mais on peut regretter le peu d’attention accordée aux deux héros une fois leurs crimes commis et dévoilés. La fin conclue à la hâte aurait sans doute gagné en intensité avec un portrait psychologique un peu plus fouillé.

Mais me voici qui pinaille, qui critique et semble avoir gardé une impression désagréable de cette lecture. En réalité, fervent admirateur de Shakespeare ou pas, vous passerez sans doute un bon moment en compagnie de nos héros. Sans être fascinants, ils intriguent, et leur originalité permet d’attendre d’intéressants rebondissements à la lecture. Et si l’érudition des personnages vous chagrine, peut-être est-ce parce que ce livre est une invitation à la lecture… parmi mes prochaines victimes (ou heureux chroniqués) : Hamlet ?

 219 p

Commentaires

Je ne suis pas fanatique de Shakespeare mais le sujet a l’air intéressant. A quelle époque l’histoire se passe-t-elle?

Écrit par : Caroline | 10/01/2007

@ Caroline : le récit se passe au XIXe. Début XIXe selon le résumé, mais à vrai dire, il m’a fait pensé à bon nombre de récits qui se déroulent sous le règne de Victoria ! Présentation de l’éditeur : « Une intrigue de polar et une satire des milieux littéraires de Londres du début du XIXe siècle ajoutent à la séduction de ce roman une histoire vraie »

Écrit par : Lou | 11/01/2007

Génial, j’adore les romans qui se passent au XIXe siècle.

Écrit par : Caroline | 11/01/2007

Bonjour Cécile !

Je lis toujours avec beaucoup d’intérêts tes articles que je trouve très intéressant et très bien écrit. Merci de nous faire partager tout ça !

Béh sinon, juste une toute petite chose : lis « Un miracle en équilibre » de Lucia Etxebarria ! J’ai adoré ce roman. :o)

A bientôt !
Bonnes lectures. :o)

Écrit par : Caro[line] | 07/02/2007

Aïe ! Désolée pour mes horribles fautes d’orthographe… (… beaucoup d’intérêt … très intéressantS et très bien écritS)

Écrit par : Caro[line] | 07/02/2007

@ Caroline : même les chroniqueuses les plus motivées font aussi un paquet de fautes, c’est le mal de celles qui pianotent plus vite que leur ombre ! Je suis ravie de voir que mes petites notes lyriques, ironiques ou mesquines te plaisent… je ferai de mon mieux pour ne pas faillir à ma réputation – non sans tâches !;o)
Quant à Etxebarria j’ai effectivement commencé « Un Milagro en Equilibrio » mais ça me plaisait moins que « Beatriz y los Cuerpos Celestes »… lecture à reprendre bientôt !!

Écrit par : Lou | 07/02/2007

J’ai ce livre sur mes étagères et je ne l’ai toujours pas lu. Même si ton avis reste mitigé, tu me donnes bien envie de le lire. Je trouve tes critiques très fines, j’aime beaucoup !

Écrit par : musky | 08/03/2007

@ Musky : merci beaucoup pour ton gentil commentaire ; ça me fait plaisir de pouvoir partager mes coups de coeur (ou l’inverse !).
Je n’ai pas eu de coup de foudre pour Shakespeare & Co mais c’est une lecture très agréable. Ce roman se lit vite, d’ailleurs. Sans être convaincue à 100% j’ai bien aimé !

Écrit par : Lou | 08/03/2007

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