
Personnellement, mon esprit pourtant peu cartésien a une dent contre ces petites bêtes. Du fantastique dans un cadre plausible ? Parfait ! Des noms bizarroïdes et des tetrasaures improbables ? Mouaif.
Je vous l’accorde, le nom d’une ville et la morphologie des héros ne changent pas grand-chose à un récit, pas plus qu’une antiquité revisitée et relookée. Mais, pleine de bonne volonté et prête à accorder un peu de crédit à tout auteur fantastique le temps d’une lecture, votre chroniqueuse a plus de difficultés à entrer dans le jeu du narrateur dans un univers d’ores et déjà surfait. Poe, Maturin, Stocker… avec plaisir. Lovecraft… là, notre lectrice avance prudemment vers sa bibliothèque, la mine boudeuse, curieuse mais sceptique.
The Dreams in the Witch House ne l’aura pas radicalement fait changer d’avis. Pourtant, cette nouvelle n’est sans doute pas dénuée d’intérêt.
L’histoire : Walter Gilman, étudiant en sciences, décide de s’installer dans une maison presque abandonnée, dans la chambre autrefois occupée par l’une des sorcières jugées au procès de Salem. Ayant découvert que la sorcière Keziah avait fait part de connaissances étonnantes sur de prétendus mondes parallèles, Gilman est persuadé qu’il trouvera des traces de ces idées dans la chambre inhabitée depuis longtemps. Pourtant, la chambre est vide et l’étudiant ne parvient pas à avancer dans ses recherches. C’est alors que Keziah et l’immonde rat Brown Jenkins viennent lui rendre visite en rêve, lui faisant découvrir chaque nuit des mondes effroyables. L’instinct et le fantastique l’emportent alors sur la rationalité. Gilman dépérit et finit par décéder dans de curieuses circonstances. La maison est enfin démolie. On y retrouve dans une pièce condamnée depuis longtemps des ossements humains et des écrits, dont certains sont très récents. Le mystère reste inexpliqué et la sorcière n’est dès lors plus aperçue dans les rues de Salem.
Mon très humble avis : rédigée dans un style compassé, cette nouvelle confirme à mon avis ce qui a pu être reproché à Lovecraft (un style lourd et des expressions archaïques). Le récit aurait gagné à être plus court. Une fois l’intrigue et l’atmosphère définies, la narration est redondante et monotone. Les rêves décrits en détail cessent rapidement de nous intéresser. L’aspect SF m’a profondément ennuyée et la description des mondes parallèles m’a laissée de marbre. Plus généralement, le texte manque de dynamisme à mes yeux.
En revanche, j’ai beaucoup apprécié la connivence qui s’établit entre le narrateur et le lecteur, à travers les nombreuses allusions à l’histoire et à la littérature américaines, à commencer par les références à Poe (grande source d’inspiration pour Lovecraft). De même, la seule allusion au procès de Salem concerne le juge Hathorne, ancêtre de l’écrivain de The Scarlet Letter.
Lovecraft a lui-même dit: « There are my ‘Poe’ pieces and my ‘Dunsany pieces’ – but alas – where are my Lovecraft pieces ? ». A dire vrai, c’est l’intertextualité qui m’a intéressée ici, le petit plus SF de Lovecraft et son style plus affecté ne m’ayant pas trop convaincue.
Cela dit, je reste curieuse et lirai d’autres nouvelles de Lovecraft, qui reste tout de même une référence pour le moins atypique de la littérature américaine, puisqu’il a inspiré les écrivains populaires Stephen King et Clive Barker, les groupes de hard rock Black Sabbath et Iron Maiden ainsi que des auteurs consacrés comme Borges et Joyce Carol Oates ! Bref, Lovecraft n’a sans doute pas fini de m’étonner…
Commentaires
Une certaine Hilde ne t’avait-elle pas donné dans le temps deux petits livres contenant des nouvelles de Lovecraft?!?
Je les avais personnellement adorées! J’en ai relu bien d’autres mais je suis incapable d’en retrouver les titres. (ça se brouille dans mon cerveau brumeux dés que j’essaye de me rappeler, étrange n’est-ce pas?) 😉
Écrit par : Hilde | 02/01/2007
J’ai fait pas mal de recherches sur Lovecraft récemment et c’est effectivement un auteur incontournable aux Etats-Unis. Il est aussi controversé dans les milieux intellectuels, ce qui n’est pas pour me déplaire non plus. Mais même s’il m’intrigue, on peut dire que cette dernière lecture ne m’a pas vraiment convaincue. Mais je suis pleine de bonne volonté, je n’ai pas encore déclaré forfait !
Écrit par : Lou | 02/01/2007
Tu n’as pas tort, si cette nouvelle est archi-célèbre, il n’empêche qu’elle est vraiment lourdingue. Le recueil La Couleur Tombée du Ciel propose des nouvelles bien plus digestes ( en particulier l’Abomination de Dunwich que j’aime beaucoup ). Si tu préfère les lire dans la langue originale, tu les trouveras sans problème sur Wikisource.
Écrit par : greg | 01/02/2007
Écrit par : Lou | 02/02/2007
Écrit par : Joelle | 14/03/2008
Écrit par : Lou | 14/03/2008
Écrit par : Porky | 08/05/2008
Écrit par : Lou | 08/05/2008
J’ai également trouvé que cette nouvelle était parfois empêtrée dans sa lourdeur, mais je n’en reste, pour ma part, rien moins friande de ce mélange inédit entre le mythe de cthulhu et un fantastique lié au folklore traditionne qu’est la bonne vieille méchante sorcière tueuse d’enfants.
« L’Affaire Charles Dexter Ward » est parfois plein de lourdeurs, mais c’est aussi l’une de ses meilleures nouvelles (roman). C’est un peu le paradoxe lovecraftien ! Mais « La Couleur tombée du ciel » passe comme un pli à la poste et au tarif lettre.
Voici pour ma part mes impressions sur cette lecture : http://www.heksen.fr/lovecraft-howard-philips-la-maison-de-la-sorciere
Vous pourrez aussi y trouver les avis sur deux formes d’adaptation de cette nouvelle : en film et en comics (dès demain).
Écrit par : senhal | 19/03/2010
Écrit par : Lou | 19/03/2010
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