
Malgré mes bonnes intentions, je me dois de prévenir mes amis lecteurs : Howards End est une sombre histoire de rivalité entre deux familles. Il y a de la pluie (bon, je vous l’accorde, on est en Angleterre), des morts (finalement cette note semble mal partie pour s’éloigner des précédentes) et, pire encore, des tragédies. Maintenant que vous avez pu juger de la noirceur de mes dernières lectures, êtes-vous toujours prêts à suivre cette aventure victorienne ? Pour les quelques lecteurs qui me restent (… ah, il n’y a plus que toi ?), je continue !
Nous sommes à l’aube de la Première Guerre Mondiale. Hélène Schlegel se rend à Howards End, petite maison de campagne des Wilcox, rencontrés brièvement lors d’un séjour en Allemagne. Hélène tombe amoureuse du plus jeune fils, Paul. Ils se fiancent et se séparent aussitôt. Mais ces fiançailles de quelques heures suffisent à jeter un vent de panique et à semer le trouble entre les deux familles. Les Schlegel, anglo-allemandes avant-gardistes et femmes émancipées, jugent les Wilcox peu dignes de la brillante Hélène. Les Wilcox, quant à eux, reprochent à la jeune fille ses origines étrangères et affichent un air supérieur de riches commerçants face à ces intellectuelles peu recommandables.
Pourtant, le sort les réunit à nouveau lorsque les Wilcox emménagent à Londres face à l’immeuble des Schlegel. Margaret, l’aînée, se rapproche alors de Mrs Wilcox malgré le fossé intellectuel qui les sépare. Femme dévouée sans opinion, Ruth Wilcox s’attache à Margaret et, lorsqu’elle tombe malade, lui lègue Howards End. A sa mort, les Wilcox décident de ne pas respecter ses vœux, la maison devant revenir à l’aîné. Ils n’informent pas Margaret.
A la suite de la mort de Mrs Wilcox, son époux commence lui aussi à entrer dans la vie des Schlegel et s’éprend rapidement de Margaret, malgré ses fréquentions artistiques jugées douteuses, ses opinions libérales et son impertinence. Il l’aide alors en la conseillant sur la situation professionnelle de Mr Bast, un de ses protégés. Suite aux conseils de Mr Wilcox, Leonard Bast perd un emploi stable et correctement rémunéré et se retrouve sans le sou, avec une femme à nourrir. Hélène Schlegel rend Mr Wilcox responsable de cette tragédie et lui voue une haine farouche. Malgré tout, Mr Wilcox demande Margaret en mariage. Celle-ci accepte, malgré les réticences de son jeune frère Tibby et le désespoir de sa sœur.
La déchéance des Bast conduit Hélène à faire irruption au mariage d’Evie, la fille d’Henry Wilcox. Margaret reproche à sa sœur de faire scandale et prend le parti de Mr Wilcox. Adoucie par les arguments d’Hélène, elle accepte cependant de demander à son fiancé de proposer une place à Mr Bast. Elle découvre alors qu’Henry a eu une aventure avec Mrs Bast, femme vulgaire autrefois rémunérée pour ses charmes. Margaret dit à sa sœur qu’ils n’aideront pas Mr Bast, sans en préciser la raison. Hélène disparaît. On apprend qu’elle a quitté l’Angleterre et refuse de voir sa sœur.
Quelques mois plus tard, Hélène se rend en Angleterre. Henry et Margaret lui tendent un piège et lui imposent un face à face. Sa longue absence est alors expliquée par son état : célibataire, Hélène est enceinte. On découvre que Leonard Bast est le père de l’enfant.
Ledit Mr Bast, rongé par le remord, décide précisément à cette période d’aller trouver Margaret pour prendre des nouvelles d’Hélène. Il apprend que les Wilcox se trouvent à Howards End et s’y rend à l’improviste. A son arrivée, une conversation animée a lieu dans la maison, car les Wilcox refusent de laisser Hélène porter atteinte à l’honneur de la famille. Charles Wilcox, le fils aîné, accueille Leonard Bast en le frappant du plat d’une épée. Mr Bast s’écroule, mort, victime d’un malaise cardiaque.
Charles, très sûr de lui, est traduit en justice et, à son grand étonnement, il est condamné à trois ans de prison pour homicide involontaire. Abattu, Mr Wilcox s’appuie sur Margaret et accepte de fermer les yeux sur l’état d’Hélène. Tous trois s’installent à Howards End. Hélène met au monde un petit garçon et Henry lègue finalement Howards End à son épouse, malgré le peu d’estime que lui portent ses enfants. Howards End marque la victoire finale des Schlegel dans cette lutte entre les deux familles.
Mon avis en demi-teinte : Howards End ne m’a pas totalement convaincue lorsque j’ai commencé ma lecture. Si le dernier tiers se lit d’un trait, les premiers chapitres m’ont causé quelques difficultés. Dans cet affrontement entre les tenants du conservatisme et ceux de la modernité, favorables à l’évolution des couches sociales et au vote des femmes, Forster a un peu forci le trait en rendant parfois ses personnages caricaturaux. Hormis Henry, qui sait parfois faire preuve de bienveillance, tous les Wilcox sont absolument antipathiques. Pas un trait de caractère pour nuancer un portrait accumulant tous les défauts : brutaux, limités, vains, pédants, cruels, indifférents, égoïstes, tels sont les enfants Wilcox. Ainsi, seuls les Schlegel sont attachants et, là encore, seule la complexité du personnage de Margaret m’a vraiment convaincue. Si Hélène est sympathique et brillante, ses excès libéraux et son manque de tact absolu la rendent parfois moins crédible.
Je reproche aussi à ce roman l’essoufflement rapide des premiers chapitres. L’histoire est parfois brutalement interrompue et l’on se demande si l’éditeur n’a pas oublié d’insérer quelques pages à ce volume aux transitions parfois un peu rudes. Enfin, les considérations semi philosophiques portant sur la modernité ou l’art alourdissent parfois le texte, en y ajoutant de longues tirades un peu fumeuses et peu convaincantes. Excès de pédanterie ?
Malgré ces critiques très personnelles et éminemment subjectives, Howards End reste à mes yeux une lecture agréable. Certains personnages gagnent en importance au fil du texte et l’histoire devient de plus en plus convaincante. Le choc des cultures et le fossé qui sépare les différentes couches sociales de l’ère victorienne sont au cœur de ce roman qui nous offre une vision incroyablement moderne de l’époque.
E.M. Forster, Howards End, 1910
Commentaires
Écrit par : Lilly | 17/01/2007
Écrit par : Lou | 17/01/2007
j’ai lu deux livres de Forster, dont l’excellent « route des Indes ». je poursuivrai avec les nouvelles d’ « un instant pour l’éternité », puisque j’ai le livre, et les ouvrages que vous citez.
je compte en faire un de mes auteurs de prédilection.
Écrit par : grain-de-sel | 30/09/2007
Écrit par : Lou | 30/09/2007
Écrit par : Porky | 09/05/2008
Forster était un intime de Virginia Woolf dans le cercle de Bloomsbury.
Écrit par : grain de sel | 09/05/2008
@ Grain de sel : Je pensais justement opter pour « Maurice » pour mon prochain Forster, sans doute parce que le sujet est assez différent ce que j’ai déjà pu lire en littérature victorienne.
Écrit par : Lou | 09/05/2008
Écrit par : dasola | 07/12/2008
Écrit par : Lou | 08/12/2008
me reste encore quelques titres à lire, ce sera pour plus tard, mais c’est prévu 🙂
http://grain-de-sel.cultureforum.net/auteurs-anglais-et-anglophones-f5/edward-morgan-forster-angleterre-t2650.htm?highlight=forster
Écrit par : grain de sel | 08/12/2008
Écrit par : Lou | 17/12/2008
Écrit par : sheherazade | 24/03/2009
Écrit par : rose | 09/05/2010
@ Rose : je n’avais pas du tout perçu d’humour au cours de cette première lecture, du moins pas dans mes souvenirs, mais je suis peut-être passée à côté de quelque chose. Depuis j’ai lu plusieurs de ses contemporains, ce qui me permettra sans doute de goûter davantage ses romans. Je pense que je vais le relire bientôt comme je te le disais, et j’ai hâte de mon côté de lire tes prochains commentaires !
Écrit par : Lou | 10/05/2010
Écrit par : Céline | 16/04/2011
Écrit par : Lou | 17/04/2011
Écrit par : caty | 26/05/2011
Écrit par : Lou | 29/05/2011
Écrit par : lamousme | 29/05/2011
Écrit par : Lou | 29/05/2011
Écrit par : caty | 30/05/2011
Écrit par : Lou | 30/05/2011
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