Faute de soleil, sâche murir dans la glace

villeneuve-un-territoire.jpgDécidément, il fait bon lire Angélique Villeneuve. Après Grand Paradis, inspiré des femmes soignées à la Salpétrière par le docteur Charcot mais traitant aussi d’histoire familiale et de quête de soi, Un Territoire nous ouvre les portes d’une drôle de maison, où les secrets de famille ne manquent pas.

C’est un sujet bien curieux que celui qu’a choisi Angélique Villeneuve : une femme vit dans une maison sous la coupe de deux jeunes gens, le Garçon et la Fille, dont on sait qu’ils étaient proches d’elle lorsqu’ils étaient encore enfants mais qui, à la suite d’un événement qui nous est d’abord inconnu, se sont soudain ligués contre elle. La femme passe ainsi ses journées à faire le ménage et la cuisine, à se plier à leur bonne volonté, recluse dans un réduit qui lui a été gracieusement alloué par le frère et la soeur, qui se sont octroyé les deux deux chambres à l’étage. Plus le récit avance, plus les actes de cruauté à son égard se précisent : ricanements, provocations mais aussi, curieusement, un matelas toujours humide et des disparitions d’objets. Ainsi, alors que la femme finit par trouver un moyen de se retrouver et d’avoir un jardin secret, un trésor, en se lançant dans la couture, il lui faut trouver des cachettes  pour que son ouvrage ne disparaisse pas.

Ce nouveau roman m’a rappelé ma première lecture par bien des aspects : les relations compliquées, le style bien évidemment, une certaine distance prise vis-à-vis des personnages dont l’intimité nous est dévoilée. Curieusement je ne saurais dire des deux romans lequel m’a le plus plu.

J’avais beaucoup aimé le contexte historique fascinant de ma précédente lecture. Ici le cadre est bien moins alléchant : une maison sans charme, une petite commune sans intérêt, un personnage principal dont la vie se résume à quelques activités toujours répétées. En général j’aime tout savoir de la psychologie des personnages, or me voilà en présence d’anti-héros sans nom, quelconques voire pour deux d’entre eux, sans grand intérêt. Pourtant, une fois ma lecture commencée, j’ai eu bien du mal à me détourner de ce texte lu presque d’une traite. La souffrance morale palpable de l'(anti-)héroïne est communiquée rapidement au lecteur, qui tremble de voir son chat découvert, son matelas plus humide encore, ses outils de couture jetés à la poubelle, ses plats renversés par terre. C’est pourtant avec une certaine jubilation que l’on voit cette femme apparemment quelconque trouver des ressources, puiser de l’inspiration dans les petits détails du quotidien et ainsi s’arracher à la terne réalité de sa vie auprès du Garçon et de la Fille. Un roman porté une nouvelle fois par la très jolie plume d’Angélique Villeneuve.

Le titre du billet n’est autre que la citation d’H. Michaux choisie par l’auteur pour introduire ce roman.

D’autres billets : Sylire, Clara, Cathulu, Gwen, Antigone, La cause littéraire

Merci à Bénédicte et aux Editions Phébus pour cette nouvelle immersion dans l’univers d’Angélique Villeneuve.

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152 p

Angélique Villeneuve, Un Territoire, 2012

Commentaires

Voici effectivement un excellent roman, sans grands effets, mais qui reste fortement en mémoire, même quelques mois après sa lecture…

Écrit par : antigone | 21/04/2012

Je ne connais pas du tout cet auteur mais ton billet est fort intriguant.

Écrit par : Titine | 21/04/2012

@ Antigone : tout à fait je pense aussi qu’il me restera en mémoire. Je n’ai d’ailleurs pas eu de mal à écrire mon billet un mois après la lecture :o)

@ Titine : je te le prête si ça te tente bien sûr !

Écrit par : Lou | 21/04/2012

bin euh non pas mon style…je suis sure qu’ils tuent le chat!….alors pas pour moi!

Écrit par : rachel | 21/04/2012

merci Lou pour votre billet sur Un territoire,
je suis très contente que vous ayez bravé l’austérité de ce décor « sans intérêt », comme vous le dites non sans raison. Cet univers domestique m’intéressait sans doute justement par sa banalité, tout comme s’affiche banale et grise – peut-on croire- la vie de mon héroïne. Cette femme, malgré la situation difficile dans laquelle elle évolue, possède une force de résilience incroyable, un vrai territoire intérieur. Je crois, à vous lire, que vous avez su vous y attacher…
Merci encore!
à bientôt
angélique

Écrit par : angelique villeneuve | 21/04/2012

Je ne m’explique pas pourquoi je n’ai pas encore découvert cette auteur qui a tout pour me plaire (le titre précédent en particulier).

Écrit par : Ys | 21/04/2012

@ Rachel : non rassure-toi je me faisais du souci pour le chat moi aussi mais il s’en est tiré :o)

@ Angélique Villeneuve : merci d’être passée par ici et de prendre le temps de me laisser un petit mot.
Quand je parle de cadre « sans intérêt » ce n’est en effet pas une critique. Justement je trouve que vous avez relevé avec succès un défi ambitieux, car a priori qui pourrait s’intéresser à cette maison banale, même un peu laide, en tout cas sans rien pour la rendre charmante, à ces personnages qui, a priori, semblent communs, voire antipathiques ? Et pourtant j’ai tout de suite adhéré et me suis rangée aux côtés du personnage principal… difficile de mettre de côté votre roman une fois qu’on l’a ouvert. Je trouve intéressante la façon dont, en quelques pages, avec une économie de moyens et sans vraiment révéler le caractère du Garçon et de la Fille, vous parvenez à nous faire nous intéresser de si près à l’histoire de cette femme au final si attachante. Vraiment merci pour ce beau moment !

@ Ys : le sujet du précédent titre est en effet fascinant… j’espère que tu te laisseras tenter et que toi aussi tu apprécieras cette lecture !

Écrit par : Lou | 21/04/2012

ooohh je me rappelle d’un livre ou tu prenais plaisir a parler de la mort du chat…;o)…..ouf un de sauve…;o)

Écrit par : rachel | 22/04/2012

Je viens de lire tes 2 commentaires de cette auteur inconnue de moi et j’avoue que je suis tentée … Je note !

Écrit par : Mrs Figg | 24/04/2012

@ Rachel : ah mais Bouboule c’était différent :o) C’était « Petit meurtre et menthe à l’eau » où un ado se plante de bouteille et donne de l’engrais pour plante au chat au lieu de lui donner de l’eau…

@ Mrs Figg : je te recommande ses livres, à chaque fois une très agréable découverte pour moi…

Écrit par : Lou | 24/04/2012

okidou c’etait pas du sadisme……comme cela aurait pu etre dans ce livre…,o)…mais bon tu etais quand meme contente…lol

Écrit par : rachel | 25/04/2012

@ Rachel : oui ça aurait pu dans ce roman, heureusement ce ne sont que les objets inanimés qui sont touchés pour atteindre le personnage principal…

Écrit par : Lou | 26/04/2012

oui heureusement…..mais bon cela veut dire que le chat n’est pas decouvert…;o)

Écrit par : rachel | 26/04/2012

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