Sous le soleil des tropiques…

maugham.jpgUn vrai billet avec de vrais livres, des héros fougueux, de folles péripéties et un (un)happy end, vous n’y croyiez plus ? Il faut dire que mon défi douteux du nombre de mots à la minute masquait mal mon retard sensationnel et mon manque de temps tout aussi abyssal ! Eh bien, amis lecteurs, grâce à SuperMrLou qui nous prépare un somptueux repas en direct de sa kitchenette, je vais enfin pouvoir prendre le temps de causer littérature (si si, ça m’arrive !).

Et le sujet du jour, mes amis, n’est autre que Le Fugitif, écrit par l’incontournable Somerset Maugham et offert en l’occurrence par Lilly, déjà séduite par un autre roman du même auteur.

 

En échange de ses services, le docteur Saunders embarque à bord du Fenton, voilier dirigé par la pire des fripouilles, le capitaine Nichols, qui navigue selon toute vraisemblance sous les ordres d’un certain Fred Blake. Celui-ci a soi-disant été confié aux bons soins de Nichols pour des problèmes de santé nécessitant un changement d’air. En réalité Blake semble mêlé à de sombres histoires en Australie, son pays natal. Meurtre ? Complot politique ? Les hypothèses ne manquent pas.

La première partie du roman concerne la rencontre entre les trois personnages puis leur voyage à bord du Fenton. Amateur d’opium et fin observateur de l’âme humaine, le docteur souhaite quitter une île où rien ne se passe afin de profiter de vacances inopinées. Foncièrement méchant et crapuleux, Nichols souffre de problèmes de digestion et impose à Blake la présence du docteur. Quant au troisième larron, il est maussade pendant l’essentiel du trajet et ne dévoile presque rien de son passé, malgré une tendance à compulser les journaux anglo-saxons avec frénésie dès qu’il en a l’occasion. Cette première partie où il se passe finalement peu de choses (si ce n’est une tempête) permet de bien cerner les différents personnages à travers des discussions apportant beaucoup d’éléments nouveaux.

Après une tempête, le Fenton arrive en territoire hollandais, sur une petite île autrefois prospère. Les anciennes propriétés cossues tombent à moitié en ruine, beaucoup de propriétaires ont abandonné leur domaine et pourtant, le lieu est étrangement envoûtant. Les trois compères y font escale et rencontrent Erik Christessen. Jeune, dynamique, chaleureux, Erik a le coeur sur la main et gagne immédiatement la confiance de Blake, qui semble métamorphosé en sa présence. Grâce à Erik, le lecteur fait la connaissance d’une famille propriétaire d’une plantation et, en particulier, de Louise. Autour d’elle va se nouer un drame compliqué que je vous laisse découvrir.

J’ai lu avec beaucoup de plaisir ce roman pourtant assez différent de ce que j’ai l’habitude de lire. Sans être un vrai roman d’aventures, il en emprunte certains codes et l’univers : capitaine roublard, tempête, héros mystérieux, beauté pure et inaccessible, rencontres improbables, dénouements symboliques, îles étranges, moustiques, eau traître et j’en passe. Pourtant très en marge de l’essentiel du récit, l’amour joue un rôle fondamental dont on ne s’aperçoit qu’assez tard ; et encore, ce n’est que l’idéal amoureux qui berce l’un des personnages qui entraîne une série d’actions décisives aux conséquences fatales. L’univers est très masculin, tandis que les relations entre les hommes sont quelque peu ambigües. La force inégalable de leurs relations, leur complicité et plus encore, la manière dont le corps masculin est perçu par le docteur Saunders font de l’homosexualité une thématique sous-jacente. La complexité des personnages rend le roman particulièrement intéressant : moralement répugnant, Nichols est malgré tout amusant et acquiert facilement la sympathie du lecteur, tandis qu’en dépit de ses bonnes actions le docteur laisse entrevoir des pensées peu louables. Très détaché, indifférent au sort de son prochain, Saunders fait penser à un spectateur qui se réjouirait de la scène dramatique à laquelle il vient d’assister.

Au final, la forme est plutôt légère. On part volontiers en voyage à bord de cette coquille de noix qu’est le Fenton, on découvre endroits exotiques et personnages hauts en couleur en jubilant. Pourtant le roman est assez sombre et dresse un portrait dans l’ensemble pessimiste de l’âme humaine. Peut-être faut-il plutôt y voir une volonté de ne pas tomber trop facilement dans le piège du manichéisme. Comme le pressent Louise, on cherche en elle un idéal sans accepter la femme qu’elle est réellement.

Une sombre mais bien belle escapade sous les tropiques, en compagnie d’un auteur que je voulais lire depuis longtemps et que je ne manquerai pas de relire ! Et une très bonne découverte parmi les classiques britanniques !

Merci encore Lilly pour cet excellent choix et ce très beau cadeau !

222 p

Somerset Maugham, Le Fugitif (the Narrow Corner), 1932

 

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Commentaires

Je connaissais S Maugham mais pas du tout ce roman, c’est chose faite grâce à toi , merci

Écrit par : Dominique | 24/02/2009

Je suis davantage tentée par « La passe dangereuse » (qui m’était sortie de la tête et que tu remets joyeusement 🙂 )

Écrit par : Manu | 24/02/2009

J’avais parlé de la passe dangereuse sur mon blog , sans doute Manu l’y a-t-elle vu là, en tout cas les romans de Somerset Maugham font de belles lectures! je ne crois pas avoir lu celui là.

Écrit par : keisha | 24/02/2009

Je pensais bien que tu aimerais ! Je crois que je vais le lire rapidement ;o)

Écrit par : Lilly | 24/02/2009

J’ai lu plusieurs Someset Maugham quand j’étais jeune, avec un réel plaisir, mais je ne sais plus lesquels.

Écrit par : Aifelle | 24/02/2009

@ Dominique : c’est vrai qu’on voit souvent « la passe dangereuse », en tout cas celui-ci est aussi à découvrir ! :o)

@ Manu : je pense me le procurer dès que je reviens en France !

@ Keisha : je l’avais repéré peu de temps avant le swap, jusqu’ici je ne connaissais pas ce titre !^^

@ Lilly : si tu veux je peux te le prêter mais j’avoue que je m’inquiète un peu quant à la fiabilité de la poste espagnole, car j’ai eu un problème avec un paquet recommandé express cet été (qui a mis trois fois plus de temps à arriver que le courrier normal) et en ce moment je trouve que mon paquet austenien tarde… il devrait arriver aujourd’hui au plus tard, voyons voyons !

Écrit par : Lou | 24/02/2009

@ Aifelle : ah oui, je connais le problème avec quelques auteurs dont les livres sont finalement assez proches dans les thématiques… et je crois que c’est le cas avec Maugham, non ?

Écrit par : Lou | 24/02/2009

Je pense que j’ai un livre de cet auteur chez moi… quelque chose qui parle de « cakes »… il faudrait que je mette à sa recherche. Celui-ci semble très bien, en tout cas!!

Écrit par : Karine 🙂 | 24/02/2009

Je n’ai encore jamais lu mais c’est un auteur qui me tente.

Écrit par : Isil | 24/02/2009

Encore un auteur dont je n’ai rien lu ! La couverture est très belle, en tout cas !

Écrit par : kathel | 24/02/2009

@ Karine 🙂 : mmm des cakes, ca me fait penser à ceux contre lesquels j’ai courageusement résisté tout à l’heure en passant devant une pâtisserie !

@ Isil : ah bah oui c’est un presque-victorien ;o) si tu es assez patiente je pourrai te le prêter !

@ Kathel : j’adore moi aussi la couverture, plus encore que celle de « la passe dangereuse », très belle aussi…

Écrit par : Lou | 24/02/2009

taguée !! viens donc jeter un oeil par là
http://facetiesdelucie.canalblog.com/archives/2009/02/24/index.html

Écrit par : lucie | 25/02/2009

Tout ceci est fort passionnant en plus je ne connais pas cet auteur, voilà deux bonnes raisons pour en prendre note ! 😉

Écrit par : Florinette | 25/02/2009

Je connais Somerset Maugham seulement de nom mais je ne l’ai pas encore lu (grave lacune) !
Je pourrais commencer par celui-ci. 🙂

Écrit par : Cécile | 25/02/2009

J’ai bien envie de lire ce livre entre 2 thrillers… très bonne critique !

Écrit par : Ingrid | 25/02/2009

J’ai lu ce roman il y a un peu plus d’un an, et comme toi, je l’ai suivi avec plaisir, même si la 2e partie m’a plus captivée que la 1ère.
J’ai également été sensible aux portraits de personnages complexes, loin de tout manichéisme, effectivement. J’ai notamment apprécié Saunders, son regard « clinique » sur son époque, et les reflexions de Maugham sur le rôle du destin… Je suis sensible à ces thèmes et ils sont habilement présentés par Maugham dans ce roman.
« La passe dangereuse » est dans la LAL !

Écrit par : Naïk | 26/02/2009

@ Lucie : merci pour le tag, c’est bien noté ! 😉

@ Florinette : je ne te le fais pas dire ^^

@ Cécile : j’étais dans la même situation que toi il y a quelques jours… maintenant je suis dans la phase II, l’empowerment de la LAL !

@ Ingrid : merci… par rapport aux thrillers c’est vrai que l’ambiance n’a pas grand-chose à voir, même si le mystère n’est pas absent non plus ! Une sympathique coupure entre deux polars :o)

@ Naik : Moi aussi j’ai préféré la deuxième partie. Il y a une coupure très nette entre la première partie plus lente, centrée autour de quelques personnages qui se dévoilent et la deuxième, où tout s’enchaîne plus rapidement grâce à l’arrivée de nouveaux personnages. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère qui règne sur l’île également.

Écrit par : Lou | 26/02/2009

Je n’ai jamais lu cet auteur. En fait, je pensais que c’était de la littérature beaucoup plus intimiste, genre petites conversations dans un salon anglais…

Écrit par : Ys | 26/02/2009

Jamais rien lu de cet auteur, mais son nom est sur ma LAL depuis longtemps ! Je crois que je vais me laisser tenter… Très joli blog, en passant (je suis nouvelle, je découvre au fil des liens les blogs des uns et des autres !)

Écrit par : Neph | 27/02/2009

Si j’ai un S. Maugham à conseiller c’est « Le fil du rasoir ».

Écrit par : Marnie | 01/03/2009

@ Ys : non ce n’est pas du Barbara Pym ni même du Forster :o) c’était plus le côté tropical qui m’attirait moins (j’aime bien les salons anglais, les scones et les muffins !)…

@ Neph : merci pour ton commentaire, je vais ajouter ton lien sur mon blog pour découvrir tes articles !

@ Marnie : ah j’ai déjà vu ce titre quelque part… merci pour le conseil !

Écrit par : Lou | 02/03/2009

J’aime beaucoup cet auteur,pourtant je ne connais pas ce livre. Merci donc pour le décoouverte!

Écrit par : Rory | 31/03/2009

@ Rory : avec plaisir ! :o)

Écrit par : Lou | 31/03/2009

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