Autant vous prévenir : j’entre dans une phase mystique où toute opposition à mon amour naissant pour Wilde (je dis bien toute rébellion, et même le moindre doigt timidement levé) se verra châtiée immédiatement à coup de projections d’Encyclopédie Universalis (et croyez-moi, une fois les multiples tomes réunis l’opération s’avère douloureuse).
Wilde est un génie.
Maintenant que j’ai dit ça je peux aller me recoucher.
Et puis non ce serait trop bête. Voilà dix raisons d’aimer à la folie Wilde et sa pièce The Importance of being earnest, dans laquelle il est question d’être constant mais pas seulement.
1- Parce que l’écriture de Wilde (à consommer de préférence en anglais) est un art en soi, parce qu’on savoure chaque tournure, chaque phrase en succombant tout autant à la musique des mots qu’à la philosophie particulière des personnages.
2- Parce que les déclarations les plus absurdes sont faites selon une logique irréprochable qui titille l’esprit du lecteur, qui est perdu entre sourire moqueur et volonté de suivre les raisonnements les plus incroyables avec une attention religieuse.
3- Parce que les personnages sont exquis, à commencer par les rôles moins importants. Une petite mention spéciale pour Cecily, à l’apogée du charme avec son esprit vif et ses remarques cultes. Mais la concurrence est rude !
4- Parce cette pièce est terriblement drôle et irrésistiblement inconvenante, et les répliques d’une efficacité surréaliste.
5- Qui devrait être numéro 1. Parce que Wilde était victorien.
6- Qui devrait être numéro 2. Parce que nul ne saurait être plus irrévérencieux que lui et que sa critique de la société victorienne est faite sur un ton si léger (voire badin) que les plus concernés l’ont eux-mêmes largement acclamé.
7- Parce que cette pièce nous fait baver d’envie avec ses cucumber sandwiches, son bread and butter et ses muffins (et je n’éprouve pas souvent une envie irrésistible de partager le repas de mes héros victoriens).
8- Parce que Ernest (Constant) et Algernon sont les héros les plus creux qui soient mais nous sont malgré tout profondément sympathiques.
9- Parce que cette pièce paraît légère tout en puisant sa source dans de nombreuses influences. Wilde est érudit, sa pièce géniale s’inspire savamment de grands classiques tout en étant divertissante et surtout, originale et véritablement moderne.
10- Parce qu’au final, tout tourne autour du langage, que Wilde maîtrise remarquablement. Parce qu’il joue avec les mots et les phrases, que c’est au final l’essence-même de la pièce mais qu’on l’oublie paradoxalement, car Wilde sait comme nul autre multiplier les (fausses) pistes pour nous égarer. Pour notre plus grand bonheur.
Et vous qui passez rapidement par ici, sans doute par hasard, vous avez peu de temps pour lire tout mon baratin et d’autres soucis en tête qu’Oscar Wilde. Pour vous je ferai court, clair et net : The Importance of being earnest est un chef-d’oeuvre unique en son genre, à découvrir impérativement. C’est mordant, intelligent, déconcertant et, cerise sur le gâteau, tout simplement brillant.
Et pour ceux qui se demandent de quoi il s’agit, j’ajouterai juste qu’il est question de mariages contrariés pour des raisons de fortune ou de rang, mais que les rebondissements sont nombreux et que mieux vaut avoir la surprise de la découverte (d’autant plus que la pièce est très bien construite).
« ALGERNON – (…) The doctors found out that Bunbury could not live, that is what I mean – so Bunbury died.
LADY BRACKNELL : He seems to have had great confidence in the opinion of his physicians. I am glad, however, that he made up his mind at last to some definite course of action, and acted under proper medical advice. »
300 p (éditions GF Flammarion, à recommander pour l’excellent dossier et la version bilingue)
Oscar Wilde, The Importance of Being Earnest (L’Importance d’être constant), 1895 (année de la première, le jour de la Saint Valentin !)
Pour l’adapter au cinéma, on a pensé à Colin Firth (Jack) et Rupert Everett (Algie). Avouez qu’il y a tout de même des castings moins heureux !
Le film est très fidèle à la pièce, hormis quelques petites variantes dont l’utilité me semble discutable. Une première scène montre une poursuite entre Algie et des policiers, son but étant essentiellement de nous faire comprendre qu’il est criblé de dettes. Si la tante d’Algie mentionne ses dettes dans la pièce, ce sont surtout celles contractées par Jack dont il est question. De même, lorsqu’Ernest doit être conduit en prison pour des factures impayées, le dénouement est différent et nous prive d’excellentes répliques. Mais je chipote car ce film rend tout à fait justice à la pièce.
Le casting est une réussite et les acteurs incarnent à la perfection leur personnage, tout en lui insufflant une vie nouvelle. Gwendolen, un peu nunuche tout de même, devient une tigresse sensuelle, déterminée et ridicule, Cecily est fraîche et pétillante, cette pauvre Miss Prism terriblement touchante… tous excellent mais, (presque) en toute objectivité, Colin Firth est peut-être le meilleur d’entre eux, avec une variété d’expressions inouïe et une capacité certaine à passer de l’attitude la plus cocasse à la plus résignée. Les décors et les costumes sont soignés, le déroulement très fluide grâce à des scènes intercalées par rapport au texte d’origine.
Un très bon film, (presque) aussi drôle et original que la pièce elle-même.
Nibelheim en a parlé ici !
The Importance of being earnest, un film d’Oliver Parker, 2002
![importance-of-being-earnest-2.jpg](http://www.myloubook.com/wp-content/uploads/2009/02/674818832-2.jpg)
![importance-of-being-earnest-6.jpg](http://www.myloubook.com/wp-content/uploads/2009/02/575124016-2.jpg)
![importance-of-being-earnest-7.jpg](http://www.myloubook.com/wp-content/uploads/2009/02/522689440-2.jpg)
![importance-of-being-earnest-4.jpg](http://www.myloubook.com/wp-content/uploads/2009/02/1485300048-2.jpg)
Commentaires
Écrit par : Emmyne | 26/02/2009
Écrit par : Cécile | 26/02/2009
Écrit par : Hilde | 26/02/2009
Écrit par : Pimpi | 26/02/2009
Écrit par : Isil | 26/02/2009
Écrit par : Brize | 26/02/2009
@ Cécile : J’espère que ce billet t’aura vraiment donné envie de le lire, alors ! Et il ne faut pas avoir honte, car tu as encore devant toi une découverte exceptionnelle… d’où l’avantage de ne pas avoir lu cette pièce en 2008 !
@ Hilde : et maintenant es-tu tentée ?
@ Pimpi : pénitence à coup d’aphorismes évidemment !
@ Isil : j’ai lu cette phrase dans le dossier de mon édition… et je crains le pire… comment éprouver un nouveau choc littéraire de l’ampleur cataclysmique d’Ernest ?!! Ma pièce de théâtre préférée jusque-là et une de mes plus grandes révélations en général !
@ Brize : oh rassure-toi, je vais moi aussi le voir un nombre considérable de fois maintenant ;o)
Écrit par : Lou | 26/02/2009
Moi j’ai carrément vu Ruppert jouer au théâtre la pièce, en Français dans le texte !!
Un de mes meilleures souvenirs de théâtre ^_______^
Écrit par : Menon | 27/02/2009
Écrit par : Mo | 27/02/2009
Écrit par : Titine | 27/02/2009
Écrit par : Pascale | 27/02/2009
Hier soir au Dîner livres échanges j’ai récupéré un livre d’Oscar Wilde « Le déclin du mensonge » 😉
Écrit par : Alice | 27/02/2009
@ Mo : en allemand ? c’est original, en même temps j’ai lu « the Hours » en espagnol, alors que c’est un de mes deux livres préférés de l’année 2004 (eh oui je m’en souviens encore) !
@ Titine : mes prochains seront justement « Dorian Gray » et « An Ideal Husband » :o)
@ Pascale : je trouve personnellement ce texte très abordable. Bien sûr le style a un côté assez « posh » propre à l’époque et peut-être qu’on en profite plus quand on lit de temps en temps des textes un peu classiques en VO, mais vraiment je trouve le vocabulaire assez simple. De plus, comme beaucoup de mots plus sophistiqués en anglais ont une racine latine, et que nos personnages emploient ce vocabulaire, tu devrais deviner beaucoup de mots si tu ne les connais pas. Je te conseille de le lire dans la collection bilingue de Flammarion (mon édition), tu pourras toujours jeter un coup d’oeil à la VF si tu as un doute :o) Mais je suis sûre que tu aimeras !
Écrit par : Lou | 27/02/2009
Écrit par : Lou | 27/02/2009
Je ne savais pas pour ce film. Merci pour l’info !
Écrit par : maeve | 27/02/2009
je suis d’accord de bout en bout Wilde est un Génie !!! après il y a le portrait de D Gray et les aphorismes super …..bref du génie là encore ….Après des fleurs pour sa tombe ….elle est où au fait ??
Écrit par : Dominique | 27/02/2009
Écrit par : Lilly | 27/02/2009
@ Dominique : il me semblait que c’était à Paris, car il me semble bien qu’il est mort sur la rive gauche (dans le VIIe je crois), et je viens de trouver cet article intéressant (et pour répondre il est au Père Lachaise, dans une tombe couverte de baisers au rouge à lèvres ! ) : http://archive.salon.com/sex/feature/2000/11/30/wilde/print.html
@ Lilly : cela entraîne-t-il un duel ? Je propose plutôt la création de l’OWA, pour les Oscar Wilde Addicts ! Partante ?
Écrit par : Lou | 27/02/2009
Écrit par : Leiloona | 27/02/2009
Écrit par : Lou | 27/02/2009
Le coup du Bunburry est génial, j’ai toujours trouvé qu’Algernon était le meilleur.
Écrit par : Ofelia | 27/02/2009
Écrit par : Mo | 28/02/2009
Écrit par : Cryssilda | 28/02/2009
Écrit par : Karine 🙂 | 28/02/2009
Écrit par : Dominique | 28/02/2009
Écrit par : Menon | 28/02/2009
Écrit par : Laetitia la liseuse | 01/03/2009
Écrit par : Turquoise | 01/03/2009
Écrit par : Isil | 01/03/2009
@ Mo : je me doute bien que c’était la raison de cette extravagance… exactement comme pour moi avec « The Hours » :o)
@ Cryssilda : ouf car ma fréquentation actuelle des salles de muscu ne me permet pas un lancer d’Universalis très efficace… à deux ca ira mieux ! ;o)
@ Karine 🙂 : you MUST read it, tu vas adorer !!
@ Dominique : je pense avoir vu sa tombe sans faire attention à l’inscription, mais je ne suis pas sûre (la photo me dit quelque chose). Je le chercherai la prochaine fois, tout comme Baudelaire à Montparnasse, que j’ai cherché une fois où je n’avais pas beaucoup de temps… et que je n’ai pas trouvé (tout en étant a priori dans la bonne « région » !)
@ Menon : j’adorerais voir Wilde un peu partout au fil des blogs !
@ Laetitia : comment ca, à défaut de lire le livre… ? (pile d’Universalis approchant dans mon dos…) :p
@ Turquoise : ah yes, je trouve que c’est encore mieux dans la langue de Shakespeare…
@ Isil : oui j’ai relu ton billet l’autre jour justement ! Bon je vais lire tout tout tout moi aussi !! C’est décidé (culte du clitoris ou pas, cf mon commentaire sur ton blog en fin de semaine dernière !)
Écrit par : Lou | 02/03/2009
Écrit par : Loula | 02/03/2009
Écrit par : Lou | 02/03/2009
Billet très intéressant en tt cas, si vs avez aimé pr ces raisons là, je suis pratiquement certaine que « Le Portrait… » va vs enchanter ! A moins que ce ne soit déjà fait…
Écrit par : oranee | 02/03/2009
Écrit par : Lou | 03/03/2009
(Surtout que je sors d’un livre qui en parle.) 😉
Écrit par : Leiloona | 03/03/2009
Écrit par : Lou | 03/03/2009
Écrit par : Nanne | 03/03/2009
Écrit par : Lou | 03/03/2009
Écrit par : Mademoiselle V | 04/03/2009
Écrit par : Lou | 04/03/2009
Écrit par : Hilde | 04/03/2009
Écrit par : Lou | 05/03/2009
Écrit par : Lael | 05/03/2009
Écrit par : Lou | 05/03/2009
Écrit par : Celine | 24/03/2009
Bref, je viens de finir The Importance of Being Earnest… et j’ai adoré !! C’est fin, caustique et plein d’esprit ! Un chef d’oeuvre !
Écrit par : Maudapl | 30/03/2009
Je ne suis pas étonnée de voir votre enthousiasme, qui est comme vous le voyez totalement partagé ! Depuis j’ai prévu de voir le film sur Wilde et j’ai « Lady Windermere’s fan » en attente. J’ai adoré les quelques textes de Wilde que j’ai eu la chance de lire et j’espère lire l’essentiel de son oeuvre cette année.
Écrit par : Lou | 11/05/2009
bon y’a plus qu’a….je te dirais que je suis sure de trouver le film avant le bouquin…boudiou depuis que je visite mon blog…je me desole d’etre expat!!!…ouf ouf…;o)
Écrit par : rachel | 08/07/2009
Écrit par : Lou | 09/07/2009
Écrit par : maggie | 10/03/2010
Écrit par : Lou | 11/03/2010
Écrit par : maggie | 12/03/2010
Écrit par : maggie | 12/03/2010
Écrit par : Lou | 13/03/2010
Écrit par : Theoma | 22/11/2010
Écrit par : Lou | 23/11/2010
Les commentaires sont fermés.