Maria Messina, La Maison dans l’Impasse

En explorant le catalogue des éditions Cambourakis, je suis tombée sur un petit titre qui m’a intriguée. Couverture sepia sobre, une fenêtre fermée piquant ma curiosité, tout comme le titre. Une romancière présentée comme une plume féministe de grande qualité oubliée par l’histoire de la littérature italienne. Beaucoup pour me plaire, donc !

Nicolina vit en ville chez sa soeur Antonietta, ou plutôt chez le mari de celle-ci, Don Lucio, qui tient à rappeler clairement qui est le maître des lieux. Don Lucio est un homme d’affaire influent qui se targue aussi d’être un homme d’honneur bien que dès le départ, le lecteur ait des raisons de s’interroger sur son honnêteté. Suite à un prêt qui a sorti le père des deux femmes de l’embarras, Don Lucio est devenu un invité de marque dans la maison de leur enfance. Lorsqu’il décide d’épouser Antonietta parce qu’il voit en elle une épouse docile, la famille la lui tend à bras ouverts.

Depuis, dans une maison sombre au fond d’une impasse, Nicolina et Antonietta vivent au service de ce sinistre individu. Toute la journée, les deux femmes nettoient, cuisinent et s’assurent que la maison sera parfaitement prête pour le retour du maître le soir-même. Lucio a peur pour son cœur, mastique lentement, tape sur son verre avec un couteau s’il n’est pas servi assez vite, exige mille petites choses, autorise ou non les deux femmes à se retirer sur le balcon ou dans leur chambre. Par sa présence écrasante, même lorsqu’il est sorti, les femmes n’osent pas s’offrir de menus plaisirs ou aller explorer le quartier. Ajoutons à cette situation trois enfants qu’il a eus avec Antonietta, et qui lui sont indifférents.

Voilà la situation de départ, qui forcément ne pourra avoir d’issue positive. Ce roman est révoltant et touche à son but en faisant naître l’indignation chez le lecteur. Dans cette maison obscure, au contexte glauque, les sentiments atrophiés se muent progressivement en haine, le quotidien devient détestation mutuelle. Si Don Lucio est la plaie évidente de ce foyer, son pouvoir de nuisance limite la possibilité d’alliances et de rébellion pour les femmes et les enfants, prisonniers d’une façon de voir qui leur a été imposée par l’homme, le « sachant ». Au-delà de la petite histoire, ce roman fait écho à la condition féminine dans la première moitié du XXe en Europe du Sud. Assez tristement, même si les choses ont évolué, les abus dénoncés ici rappellent que certains combats restent à mener.

150 p

Maria Messina, La Maison dans l’Impasse, 1921

8 thoughts on “Maria Messina, La Maison dans l’Impasse

  1. Je pense qu’il doit vraiment être intéressant… C’est « amusant » car je lis en ce moment un thriller psychologique sur le même sujet : « La deuxième femme » de Louise Mey. Je suis à la fois dérangée par l’écriture, dégoûtée par l’attitude de l’homme et incapable de lâcher mon bouquin parce que je veux savoir…

    1. Je serai curieuse de lire ton avis ! Sujet intéressant, mais pas facile ! Ici le plus frustrant est ce poids des conventions, cette façon de penser qui empêchent aussi les femmes de se défaire de cet horrible carcan !

    1. Oui cela a été mon impression. Peu d’espoir dans ce texte, mais c’est un huis clos très bien maîtrisé. Tu me diras ce que tu en penses si tu le lis ?

  2. Brrrr, je ne sais pas trop si j’ai envie de lire ce genre de choses en ce moment. Pareil que Niki ! 🙂 Bon séjour au bord de l’eau (et vive les huîtres dégustées en amoureux ^_^).

Répondre à myloubook Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *