Isabelle Flaten, Adelphe

Pépite littéraire !

J’ai découvert Adelphe un peu par hasard. Un premier avis positif croisé sur la toile. Une couverture. Quelques éléments de contexte : la sortie de la guerre, l’émancipation des femmes, un pasteur.  Et comme je devais participer à un échange avec le fondateur du Nouvel Attila, Benoît Virot, je me suis décidée dès que j’ai croisé ce texte dans la librairie de ma ville d’origine, à peine arrivée en vacances.

De cette rencontre un peu hasardeuse est né un énorme coup de cœur. Une claque, une lecture qui m’a emportée comme rarement.

Au lendemain de la première guerre mondiale, dans une petite bourgade, Adelphe occupe une existence tranquille de pasteur. Parmi ses ouailles, Gabrielle va troubler sa tranquillité d’esprit en lui offrant brusquement Nêne, prix Goncourt 1920. C’est l’histoire d’une domestique qui travaille durement, s’attache aux enfants et tombe amoureuse du maître de maison, veuf, qui malheureusement pour elle décide de se remarier avec quelqu’un d’autre.

A la première lecture, Adelphe s’attache aux considérations religieuses évoquées dans Nêne. Mais lorsqu’il interroge Gabrielle sur son intention, puis lit ce roman à sa gouvernante, Blanche, il réalise que Nêne traite d’un sujet brûlant : la condition des femmes à leur époque. Blanche y verra plus particulièrement la dimension sociale et l’injustice de la relation maître-domestique. Ce cadeau a priori relativement anodin prend une dimension essentielle. Il sous-tend la structure du roman, annonce des bouleversements à venir : intérieurs d’abord, puis, plus assumés.

Adelphe dresse le portrait de femmes décidées, voire indépendantes (à divers degrés) sur une quarantaine d’années. Il annonce les frémissements d’une société encore ancrée dans des traditions conservatrices. En province ou à Paris, dans différentes communautés religieuses, chez les bourgeois et les plus humbles, le carcan qui pèse sur les femmes revêt des atours différents mais reste omniprésent. Si le sujet féministe est clef, ce roman est aussi une ode à l’amour, aux facettes multiples et généreuses.

Traverser une partie du XXe siècle en compagnie d’Adelphe et ses proches, c’est plonger dans un texte merveilleusement travaillé et musical qui nous emporte entièrement avec son rythme très particulier et l’inexorable évolution des personnages. J’ai été autant happée par le récit passionnant que la forme superbe. On se perd volontiers dans ces phrases longues à la syntaxe rebondissante, qui parfois nous donnent l’impression de lire un classique pour mieux nous surprendre quelques phrases plus loin.

Difficile de rendre justice à ce livre, mais en le lisant j’avais tout à fait l’impression de lire un grand roman. A lire et à défendre sans modération !

213 p

Isabelle Flaten, Adelphe, 2019

7 thoughts on “Isabelle Flaten, Adelphe

    1. Je pense qu’il pourrait te plaire ! J’espère que tu te laisseras tenter, je serais très curieuse de lire ton avis !

    1. Celui-ci mérite vraiment de s’y arrêter. Il me tient à cœur de par la rencontre magique avec cette très belle plume mais aussi parce que Le Nouvel Attila est un éditeur indépendant engagé dans une belle démarche littéraire, et qui mérite d’être connu et soutenu par ses lecteurs !

  1. Je suis ravie de lire ton avis, ce personnage d’Adelphe, on y pense encore longtemps après avoir refermé le livre, il m’a charmée moi aussi. Tu as raison, ce livre mérite d’être porté vers un public le plus large possible.

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