Durian Sukegawa, Les Délices de Tokyo

Les Délices de Tokyo, encore un titre prometteur qui se languissait dans ma PAL depuis un ou deux ans. J’ai profité de ce nouveau week-end confiné pour l’ouvrir, et le charme a opéré de suite.

Pour rembourser une dette, Sentarô travaille dans une petite échoppe proposant des dorayaki, cette pâtisserie fourrée aux haricots rouges. Un travail sans âme, dont il a hâte de s’échapper. Sans conviction, il gère la boutique, achète une pâte aux haricots industrielle et l’incorpore aux ‘pancakes’ qu’il prépare lui-même. Devant la petite boutique, un magnifique cerisier rythme les saisons.

Un jour apparaît une femme âgée, qui postule pour l’annonce d’emploi affichée sur la devanture. Sentarô refuse, mais la vieille dame persiste et revient, apportant avec elle une délicieuse pâte aux haricots rouges. Sentarô décide finalement de saisir l’opportunité, à sa façon, notamment parce qu’il s’inquiète de la forme étrange des mains de Madame Yoshii, qui pourrait rebuter les clients. Ainsi, pour un salaire de misère, Madame Yoshii viendra tous les deux jours préparer avec lui la pâte à base de haricots et repartira avant l’arrivée des premiers clients. Mais la situation ne tarde pas à dépasser Sentarô.

En arrivant dans la boutique, Madame Yoshii bouleverse le cours des évènements, nous invite à méditer et à savourer les choses simples. C’est ainsi qu’elle fait progressivement évoluer Sentarô et son rapport au travail et à la vie. Madame Yoshii est un personnage extrêmement attachant, qui cache un triste secret.

(Spoilers dans ce paragraphe) Au-delà de l’histoire de la boutique, l’un des thèmes abordés est la maladie de Hansen et son traitement au Japon. Par peur de la contamination, les malades ont été isolés dans des sanatoriums, leurs identités effacées pour éviter de salir la réputation de leurs familles. Des malades qui n’ont eu le droit de sortir en public que très récemment, même guéris… et qui, à cette occasion, ont encore souffert de la méfiance de la société.

Un roman beaucoup plus mélancolique que je ne le pensais. En lisant les premiers chapitres, je voyais pointer une fin aux allures de feel-good, malgré, probablement, la mort de Madame Yoshii : quelque chose comme une boutique florissante, un Sentarô épanoui sentant la présence de Madame Yoshii dans sa nouvelle vie. La chute est plus complexe que ça et nous invite à imaginer l’avenir des personnages.

Un roman doux amer touchant, rythmé par les saisons et la danse des cerisiers. Une ode à la vie et à la réflexion sur le regard que l’on porte sur les autres et sur soi, avec de subtils portraits de personnages écorchés qui chacun à leur façon, cherchent leur voie. Un récit gourmand aussi, qui retraduit merveilleusement les gestes patients avec lesquels les dorayaki sont préparés.

Savouré en 24h, et une dernière page tournée à regret. Film probablement au programme ce soir !

Lu dans le cadre des dimanches gourmands de Syl, à défaut d’avoir cuisiné japonais. Egalement une participation sur le thème de la ville.

221 p

Durian Sukegawa, Les Délices de Tokyo, 2013

17 thoughts on “Durian Sukegawa, Les Délices de Tokyo

    1. As-tu réussi à assouvir cette envie ? J’aimerais bien tenter d’en faire, j’ai regardé la recette mais ça n’a pas l’air évident.

  1. Depuis que j’ai vu le film, je veux lire le livre. Vu ce que tu en dis et vu comme j’ai aimé le film, je sens que je vais passer un bon moment avec le livre…

    1. Oui je pense ! Je le trouve vraiment doux amer, beaucoup plus subtil que le feelgood que je m’attendais à trouver.

  2. Bonjour (ça faisait longtemps !), je ne suis pas certaine de me lancer à corps perdu dans la littérature japonaise qui n’est pas trop ma tasse de thé mais je lirai les articles proposés ce mois-ci avec plaisir… et peut-être en trouverais-je un qui me tentera plus que les autres…

    1. Je suis ravie de te retrouver par ici :o) J’espère que tu prendras plaisir à lire des billets sur les différents blogs et que, peut-être, nous te donnerons envie de faire quelques découvertes !

  3. J’ai aimé le roman, j’avais trouvé l’histoire très émouvante, découvrant ainsi le triste traitement réservé aux personnes malades. J’avais commencé par l’adaptation mais j’étais passée à côté. Je l’ai appréciée davantage au second visionnage.

    1. Je préfère le roman à l’adaptation. Je trouve le film intéressant pour son côté épuré, et j’aime le jeu des acteurs, mais j’ai été un peu gênée par les quelques libertés prises par rapport au roman. Je sais que c’est souvent ainsi avec les adaptations, mais cela me gêne surtout dans la mesure où j’ai trouvé l’histoire plus équilibrée, mieux bâtie dans le roman. Mais les acteurs sont vraiment au rendez-vous et le film est beau aussi. J’essaie d’en parler dans la semaine !

  4. Cela fait un bout de temps que j’hésite à le lire. Les avis semblent assez tranchés. J’ai l’impression que les romans japonais sont très souvent doux-amers, par exemple « Mémoires d’un chat » que j’avais ouvert en pensant trouver un roman feel-good m’avait vraiment émue.

    1. En regardant la couverture des « Mémoires d’un chat » je me rends compte que je le confonds avec d’autres titres. Je l’avais repéré puis oublié… je le renote ! :o) Oui souvent les Japonais sont assez doux amers. Avais-tu lu les romans d’Aki Shimazaki (qui vit désormais au Canada) ? « Le Poids des Secrets » en particulier est de toute beauté.

      1. Oui, j’ai lu « Le Poids des secrets » pour le mois du Japon il y a deux ans et « Au coeur du Yamato » l’année dernière. J’ai adoré les deux, impossible de m’arrêter avant la fin.

  5. Je note ce titre et cet auteur que je ne connais pas du tout. Il faut dire que je suis assez novice en littérature nippone… Je note aussi « Le poids des secrets » conseillé dans le commentaire du dessus 😉

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