Emmanuel Régniez, Madame Jules

Ayant beaucoup apprécié Notre Château d’Emmanuel Régniez, je n’ai pas hésité en découvrant la publication de Madame Jules. Et ce d’autant plus que la couverture est de toute beauté. J’ai donc acheté ce titre les yeux fermés, et force est de constater que c’est un roman pour le moins déconcertant.

Madame Jules aime Monsieur Jules, son mari et son amant. Tous deux vivent une relation très charnelle, passionnée, exclusive, où nulle place n’est faite aux autres. Une relation pleine de certitudes. Tous deux s’aiment, aiment s’aimer et ne pensent que l’un à l’autre. Mais un soir, les convictions laissent la place au doute et cette relation qui semblait une force étonnamment passionnée et tranquille à la fois devient moins assurée. Qu’y a-t-il derrière les mots échangés ? Les attentes mutuelles ? Les propos salaces d’une connaissance du couple ébranlent ce petit monde parfait, unique. Et remettent en question ce qu’est une véritable histoire d’amour.

Je sais que je t’aime, Jules, et j’ai l’impression, oh la fugace impression, très subtile impression, qu’à chaque fois que je dis que je t’aime Jules, le monde tourne un tout petit peu moins vite, et je suis sûre, que bientôt, sous la force de mon amour, sous la force de nos mots d’amour, le monde va cesser, enfin, de tourner (p131).

Le texte m’a prise au dépourvu, car c’est avant tout un subtil jeu entre les mots. Les phrases sont construites et déconstruites à l’infini et, selon une progression invisible évoquant la marée à l’oeuvre, le sens évolue peu à peu. La relation entre ce couple amoureux est analysée, décortiquée avec raffinement. Et doucement, après la plénitude et l’affirmation supérieure de ce couple qui pense s’aimer mieux que d’autres, le doute s’installe. Le flot des phrases nous emporte dans un montre d’entre-deux, où il est difficile d’imaginer les personnages de manière concrète, d’associer des traits de caractère à Madame Jules et Monsieur Jules, dont la personnalité est ramenée à sa plus brute expression. On en vient à douter de l’époque. Tout dans le texte m’a conduit à imaginer un cadre très XIXe, si ce n’est que d’autres éléments peuvent laisser penser qu’il n’en est rien, et que nous rencontrons simplement la haute bourgeoisie contemporaine.

Une curiosité littéraire, certes, mais qui mérite qu’on s’y attarde tant elle est écrite avec talent.

 

 

133 p

Emmanuel Régniez, Madame Jules, 2019

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