William Goolrick, La Chute des Princes

goolrick_CHUTE-DES-PRINCES_414.jpegJe suis loin d’être venue à bout de ma PAL de la rentrée littéraire de septembre, mais une lecture m’aura vraiment marquée en fin d’année dernière, à savoir La Chute des Princes de Robert Goolrick.

Il y est question d’un ex-trader aujourd’hui libraire chez Barnes & Nobles. Notre narrateur vit seul et chichement, aussi, lorsqu’il nous décrit la fin de ses études, son stage et sa prodigieuse ascension sociale, on se demande toujours quand et comment se produira sa chute.

Le lecteur plonge dans le New York des années 1980 et ressent de suite l’intensité de cette décennie, vibrante, flamboyante, excessive mais aussi égoïste et impitoyable. D’un côté le boulot, l’entraînement avec le coach personnel à 6 heures du matin, la limousine de la firme, les journées à rallonge et la compétition poussée à son extrême ; de l’autre, les soirées avec les collègues, les mauvais restos hors de prix, les beuveries, les rails de coke, le sexe dans des endroits glauques (des toilettes, un coin de rue) avec des inconnu(e)s, les quelques rares heures de sommeil. Sur le plan matériel, on passe du studio miteux de l’étudiant à de splendides appartements refaits entièrement par l’architecte ou le décorateur branchés du moment. Les costumes valent plusieurs milliers de dollars. Si quelque chose coûte vraiment trop cher, alors il devient indispensable. Les week-ends, on file à Las Vegas ou Miami claquer son argent dans des fêtes. Se succèdent sans cesse les filles (qui n’auront jamais de vraie carrière, même lorsqu’elles sont plus intelligentes). Parfois des prostituées. Sans parler des discussions où chacun se vante d’avoir eu l’expérience la plus osée, la plus bizarre (par exemple d’avoir eu des relations sexuelles avec un animal ou d’avoir été la cause d’un suicide). Car c’est une génération pour qui tout est permis. Et pour qui l’argent est la seule valeur qui soit. Dépenser, c’est le but de leur vie.

Au fur et à mesure, l’ambiance se modifie imperceptiblement, devient plus sombre. Une fille retrouvée morte lors d’un week-end. La menace du SIDA. Un collègue d’une vingtaine d’années qui meurt d’un arrêt cardiaque. Un autre qui se jette par la fenêtre après avoir reçu un coup de fil et pris le soin d’enlever ses chaussures de marque.

Non seulement Goolrick livre un portrait très vivant de cette période, mais il parvient à le faire sans sombrer dans le manichéisme. Il serait si facile d’observer les protagonistes avec détachement et de les condamner en crachant de suite sur leur immoralité. Or, si les vices et les faiblesses des jeunes traders ne manquent pas dans ce roman, le narrateur parvient à nous être sympathique. Certes, il a désormais du recul sur sa jeunesse et mesure pleinement ses erreurs. Toutefois, il se contente de narrer des faits, sans chercher à s’auto-justifier, à s’apitoyer sur son sort ou, au contraire, à se flageller moralement. Sa situation actuelle nous le rend quelque peu sympathique, même si on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il a perdu de sa superbe par rapport à ces années de dérives et d’excès.

Un roman subtil, extrêmement bien construit et tout simplement passionnant, qui m’a donné envie de relire Goolrick et de découvrir enfin le célèbre roman de Tom Wolfe.

Merci beaucoup aux éditions Anne Carrière et à Babelio pour cette découverte.

4coeurs.jpg

 

 

230 p

William Goolrick, La Chute des Princes, 2014

Commentaires

et bin les annees 80…on a l’impression que c’est une autre planete…et ce monde des traders encore plus….cela doit quand meme etre passionnant….

Écrit par : rachel | 25/01/2015

Nous l’avons en bibliothèque, mais jusqu’à la lecture de ton avis, je t’avouerai que j’étais assez repoussée. En fait, j’ai du mal avec les livres estampillés « rentrée littéraire », j’ai toujours la sensation que c’est un truc d’intellectuels ^^

Écrit par : Chicky Poo | 25/01/2015

Bonjour Lou, j’ai une collègue qui est plongé dans ce roman: elle adore. De Goolrick, je n’ai lu que Féroces (et c’est en effet féroce). Bonne après-midi.

Écrit par : dasola | 27/01/2015

@ Rachel : oui je recommande fortement !

@ Chicky Poo : Je ne suis pas de très près la rentrée littéraire, je me limite aux titres qui me tentent :o) Celui-ci m’a vraiment plu, je le recommande vivement !

@ Dasola : on m’a recommandé « Féroces », je suis tentée aussi ! Bonne soirée à toi !

Écrit par : Lou | 29/01/2015

Les commentaires sont fermés.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *