Ann Beattie, Promenades avec les hommes

beattie_promenades-avec-les-hommes-1.jpgVoilà un livre pour le moins curieux, dont je vais avoir bien du mal à vous parler. Promenades avec les hommes fait partie de la sélection 2014 pour le prix du meilleur roman Points. J’ai eu envie de larguer les amarres et de retrouver les Etats-Unis à travers un roman urbain où l’élite intellectuelle se regarde par le nombril dans un petit drame conjugal qui promettait d’être terriblement américain… et c’est le cas.

Jane revient sur les années qui ont suivi ses études à Harvard. Nous sommes au début des années 1980, elle a attiré l’attention des media sur elle en critiquant le système universitaire (pensant faire preuve d’une grande originalité ce faisant). Ses commentaires ont donné lieu à une réponse circonstanciée d’un universitaire, Neil. Grâce à la mise en perspective de leurs  points de vue dans le New York Times, Neil et Jane se rencontrent. Il a une vingtaine d’années de plus qu’elle mais lui propose de tout lui dire sur les hommes, de l’éduquer. Ainsi commence leur relation amoureuse. Elle plaque son petit ami du Vermont, Ben, s’installe à New York et vit aux crochets de Neil, dont les revenus semblent inépuisables. Mais, comme l’annonçait la proposition de Neil, la relation repose sur des bases malsaines. Jane est façonnée par son mentor qui lui apprend à voir les choses à sa façon, lui assène des vérités sur la vie et contrôle son langage et ses actions au quotidien (par exemple dire « boire un verre » mais ne pas préciser « de vin » ou encore s’habiller de marques de luxe ou de vêtements d’occasion mais ne jamais être dans la demi-mesure). Ce qui s’annonce comme une passade au début (d’autant plus que le titre laisse présager l’arrivée d’autres hommes, mais seuls Ben et quelques amis ou voisins sont les autres hommes de ce récit) devient une relation sérieuse… mais toujours particulière et soumise à certaines conditions. On a bien du mal à comprendre Jane qui se compromet avec cet homme après avoir découvert qu’il était marié au début de leur relation, que ses nuits passées dehors « à travailler » n’étaient qu’un leurre… la jeune femme étant parfaitement à même de percevoir les failles de cet homme manipulateur qui assène des vérités plates et artificielles aux femmes qui l’entourent et pervertit leurs relations (ainsi il raconte que les meilleures amies veulent passer du temps avec lui et demande ce qu’il doit faire, se faisant passer pour l’honnête homme qu’il n’est pas tout en jouissant de la fascination qu’il exerce sur les femmes et en faisant douter Jane ou sa première épouse de leurs propres amies).

 » J’ai fait du bon boulot, dit-il.

– Oui, mais tu as fait de moi un être à part, et à présent je suis isolée, sauf avec toi. Il n’y a personne à qui je puisse parler de ces choses et de ce qu’elles signifient. » (p 48)

beattie_promenades-avec-les-hommes.jpgLa structure de ce court roman (novella ?) est assez particulière, faite de sortes de flash-backs, d’arrêts sur image, faisant ainsi penser à un film. Les ingrédients du roman américain des années 1980 sont posés, entre la cohabitation dans un brownstone à Chelsea, les voisins gays qui laissent Jane assister à leurs ébats, l’allusion au « cancer gay » qui commence à frapper leurs amis, la drogue qui fait partie du paysage et ne semble pas particulièrement affecter le comportement des personnages (ils prennent de la coke ou de la marijuana comme d’autres une cigarette, par exemple en regardant la télé… mais attention, ils insistent sur le fait qu’ils ne vont jamais se coucher un verre à la main – il ne faudrait pas non plus qu’on imagine qu’ils ont des problèmes d’addiction).

C’est un texte étonnant, inhabituel. Je ne saurais dire que c’est un coup de coeur mais j’ai apprécié ce roman qui, une fois le livre refermé, laisse de multiples impressions au lecteur, qui s’interroge sur les choix et motivations des personnages mais reste aussi imprégné de cette vision d’un New York des années 1980.

Merci beaucoup aux Editions Points pour cette découverte.

Les avis de Anyuka, Jérôme (D’une berge à l’autre), Nola Tagada, Racines, Un Coin de Blog.

ann beattie,promenades avec les hommes,editions points,new york,new york annees 1980,roman americain,etats-unis



109 p

Ann Beattie, Promenades avec les hommes, 2010

Commentaires

C’est intrigant. Je le note pour plus tard.

Écrit par : Adalana | 05/01/2014

oui didonc…n’aurait-il pas servi de bases pour les 50 nuances?….vraiment a lire les resumes cela y ressemble avec le trash en moins ici….mais bon comme dirait adalana, intrigant….mais je ne le note pas…je n’aime pas la manipulation et les gens manipules…je passe mon temps a leur crier dessus a travers le livre…pas efficace…;)

Écrit par : rachel | 05/01/2014

Je ne connaissais pas mais ton avis me donne envie de tenter !

Écrit par : sybille | 05/01/2014

Quand je lis ton billet, il y a une partie de moi qui a envie de lire ce roman et une autre qui me retient. Je crains que son originalité ne me déplaise au final.

Écrit par : Fleur | 05/01/2014

Ton billet est effectivement intriguant, il me fait penser aux premiers livres de Jay McInerney qui décrivait également le New York de ces années-là.

Écrit par : Titine | 07/01/2014

euh rien à voir hein mais…
Yop yop Miss Lou, comme t’as bien le temps (lol et re-lol), je t’ai taggée chez moi 🙂
(mais t’es pas obligée hein) 🙂

Écrit par : valeriane | 08/01/2014

Les commentaires sont fermés.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *