On ne dirait peut-être pas comme ça, mais je suis une redoutable criminelle. Ma spécialité : l’enlèvement et la séquestration. En l’occurrence, lorsque Malice a innocemment confié Cochon d’Allemand à mes bons soins, elle était loin de savoir que je préparais un siège machiavélique pour lui ravir indéfiniment son bien si précieux. Ceci dit, sous mon masque d’impitoyable kidnappeuse se cache un cœur tendre et, bien que maintenu longtemps en captivité, le petit Knud, héros de ce roman, est heureux de vous faire savoir qu’il a été nourri, choyé et bercé pendant son séjour chez Miss Lou, non seulement par la lectrice en question mais aussi par quelques hôtes de marque qui partageaient son salon. Knud est d’ailleurs ravi d’avoir discuté de l’assassinat en tant que moyen d’expression artistique avec Thomas, de pères tortionnaires avec John Sheridan et du meilleur moyen de masquer ses crocs avec un certain Bram. Bref, comme vous le voyez, amis lecteurs, l’éducation de Knud n’est plus à faire, même si je suis certaine que c’est avec un certain soulagement que Malice le verra rentrer au bercail.
Beaucoup de choses ont été dites sur ce livre qui constitue une de mes plus belles lectures de l’année. Malgré les quelques vingt ou trente premières pages qu’il m’a fallu dépasser pour « entrer dans le vif du sujet » (ce qui explique en partie la détention prolongée), c’est un roman foisonnant, extrêmement dense, dont l’histoire captivante sert aussi un portrait émouvant des Allemands tels qu’ils ont été perçus longtemps après la période nazie. Entre Danemark et Allemagne, le lecteur suit les pas du jeune Knud qui lui, découvre très tôt que l’identité allemande est un lourd fardeau, y compris lorsque l’on naît en 1960 et que son père est danois. Ce texte est beaucoup moins sombre que je ne le croyais au vu des critiques lues çà et là. Il est bien sûr triste par certains aspects, à commencer par le traitement que reçoivent Knud et sa mère dans leur ville. Écarté par ses anciens confrères et proches, le père se replie sur lui-même et devient de moins en moins intéressant, même s’il reste sympathique ; la mère noie son chagrin dans les cigarettes et l’alcool, cachant d’autres blessures que celles que lui inflige quotidiennement le voisinage (sa façon de préparer l’anniversaire de son fils constitue pour moi le passage le plus bouleversant du livre) ; quant à Knud, c’est ce cochon d’allemand qui n’est pas habillé comme les autres, ne mange pas les mêmes plats et dessine innocemment un drapeau allemand lorsqu’il passe son test d’entrée à l’école. Pourtant, beaucoup de scènes sont plutôt amusantes, comme lorsqu’un oncle se venge de son horrible épouse en léguant sa fortune à sa maîtresse et à la société protectrice des chats, animaux que sa chère et tendre exècre.
Cette histoire très touchante revêt pour moi un caractère spécial comme j’ai retrouvé beaucoup de petits détails qui aujourd’hui encore font partie de la culture allemande, des habitudes, des traditions, du quotidien. La mère est originaire d’une région qui me tient à cœur, la Saxe.
En résumé, voilà un roman (ou devrais-je dire une autobiographie) qui offre à la fois un récit passionnant, un regard affuté sur un aspect oublié de l’Histoire, ainsi qu’un tableau sociologique très complet. Le tout est servi par la très jolie plume de l’écrivain / du traducteur. Un texte à part, qui vaut la peine d’être lu.
Seul petit bémol : les quelques notes renvoyant à la fin du livre sont à mon avis souvent inutiles. Lorsque le narrateur évoque les romans de son enfance ou une star par exemple, parfois à titre de comparaison, quelques mots sur les particularités des uns et des autres seraient plus utiles que les simples mentions « roman jeunesse de… » par exemple.
Un grand merci (particulièrement mérité) pour cette belle découverte à Malice, reine-lectrice au pays des Allusifs.
(Note prévue à l’origine et rédigée en juillet, comme la plupart de celles qui vont arriver en septembre)
187 p
Knud Romer, Cochon d’Allemand, 2006
Commentaires
Écrit par : Canel | 09/09/2009
Écrit par : Lilly | 09/09/2009
Écrit par : Ys | 09/09/2009
Écrit par : Alice | 09/09/2009
Écrit par : Karine:) | 10/09/2009
Écrit par : canel | 10/09/2009
Écrit par : cocola | 10/09/2009
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 11/09/2009
@ Lilly : excellent livre, vraiment ! En plus il est en poche maintenant (même si je n’aime pas du tout la couverture poche – je ne raffolais pas de la couverture originale mais j’aime le format des Allusifs).
@ Ys : très bon choix :o)
@ Alice : je veux l’acheter aussi mais effectivement je préférerais d’occasion. Repéré à « l’Ecume des Pages » je crois ! Allusifs + Berlin + un sujet qui me tente : miam !
@ Karine:) : oui effectivement il est sorti en poche il y a quelques mois dans la nouvelle collection Folio assez moche.
@ Cocola : n’est-ce pas ?;o)
@ Cécile de Quoide9 : ah pour le coup voilà un auteur contemporain qui pourrait te plaire, en tout cas c’est à mon avis un livre plein de qualités !
Écrit par : Lou | 12/09/2009
Écrit par : Theoma | 12/09/2009
Écrit par : Lou | 12/09/2009
Écrit par : Cryssilda | 13/09/2009
Écrit par : Lou | 15/09/2009
Écrit par : choupynette | 15/09/2009
Écrit par : Nanne | 16/09/2009
Mais ton commentaire ma fait bien rire Nanne :)))
Écrit par : Alice | 16/09/2009
@ Nanne : naan, je ne participe même pas aux opérations livres voyageurs, il ne manquerait plus que ça vu l’état de ma PAL :o) Non non, j’arrive déjà très bien à séquestrer longtemps les livres des personnes qui me les prêtent ponctuellement hors blogs ^^
Et sinon, en effet tu n’as pas d’excuse ;o)
@ Alice : bon dis donc tu ne vas pas en plus faire de la délation alors que j’ai confessé publiquement, hein ?!!! Pffff… bravo ;o) Et puis Nanne, Alice a aussi des livres à moi depuis longtemps (moins de livres – bon maintenant un seul depuis longtemps) mais je dis ça aussi pour me défendre, hein ?^^ tst tst, terribles ces LCA !
Écrit par : Lou | 18/09/2009
Écrit par : antigone | 19/09/2009
Écrit par : Lou | 21/09/2009
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