Après plus d’un mois de silence, j’ai bien du mal à trouver mes mots pour cette toute dernière chronique 2006. Et, très cher lecteur, j’ai le regret de te dire qu’une fois de plus mes lectures ont été relativement sombres… Si les ruelles étroites et les passages sordides ne t’effraient pas, je t’invite à plonger dans les bas fonds de Londres avec moi !
Je dois avouer que j’attendais beaucoup du Peuple d’en Bas de Jack London. Au passage, j’en profite pour émettre quelques réserves sur ce titre malheureux qui rappelle bizarrement « la France d’en bas » d’un certain premier ministre. Cette adaptation me semble d’autant plus inappropriée que le titre anglais est « le Peuple de l’Abyme », abyme à laquelle London fait souvent référence au fil du texte. Qu’importe !
En 1902, Jack London vit pendant trois mois dans les quartiers de l’East End à Londres, se fondant parmi la population afin d’observer ses conditions de vie. London est particulièrement frappé par la misère crasse qui règne dans ces quartiers, par la surpopulation, les salaires ridicules, la famine et les maladies qui causent la mort des pauvres de Londres dans la solitude et la plus grande détresse.
Bien sûr, tout le monde a entendu parler de ces quartiers à travers les romans de Dickens ou de Charles Palliser. Chacun se fait une petite idée des rues sordides dans lesquelles ont évolué les victimes de Jack l’Eventreur. On repense peut-être aux quelques images inquiétantes du joyeux Mary Poppins. Bref, l’East End ne nous est pas inconnu, mais l’image que l’on s’en fait est généralement assez approximative, romancée et même romanesque.
Le mérite de London est d’avoir cherché à faire un compte-rendu précis de ses pérégrinations, de décrire les rues et leurs habitants et de ponctuer le tout de coupures de presse de l’époque. Les faits divers et les anecdotes sont particulièrement intéressants car ils permettent de se faire une meilleure idée des véritables conditions de vie des oubliés de l’époque victorienne. On découvre ainsi le cas d’une femme âgée retrouvée morte dans une chambre insalubre, victime d’une infection. Le journal de l’époque se contente alors de souligner le manque d’hygiène de cette personne, la rendant ainsi entièrement responsable de son décès. Les conséquences dramatiques des accidents du travail sont largement démontrées. De même, London se rend dans les asiles de nuit (« poor houses ») et en fait un récit effrayant.
Ce livre est à mon avis très intéressant pour tous ceux qui souhaiteraient se documenter sur le Londres de l’époque victorienne. Les multiples exemples permettent au lecteur de mieux réaliser la précarité de la situation des habitants de l’East End. London ajoute à cela quelques chiffres (dépenses moyennes, nombre de morts à l’hospice ou à l’hôpital, etc). Ces données sont intéressantes mais un peu trop nombreuses à mon avis, car la force de ce témoignage tient aux situations concrètes que London dépeint, non aux statistiques difficiles à appréhender. Le texte devient également répétitif après un certain temps et je reproche à London d’avoir ponctué son récit de considérations d’une banalité affligeante sur les répercussions de l’industrialisation sur la société. Certes, ces commentaires étaient peut-être avant-gardistes à l’époque, mais London emploie par moments un style pompeux qui n’apporte rien à ce livre. J’ai aussi été un peu étonnée par quelques-unes de ses remarques. S’il cherche à dénoncer les injustices, il lui arrive aussi de parler des habitants de l’East End en employant des termes péjoratifs et avilissants qui m’ont quelque peu troublée.
Malgré ces critiques, le Peuple d’en Bas est un récit peu connu qui mérite à mon avis d’être découvert. N’hésitez pas à me donner votre avis !
Commentaires
Qu’elle soit riche en lectures!!
Écrit par : Hilde | 01/01/2007
Écrit par : Lou | 01/01/2007
Merci pour ton message, et une nouvelle fois, tous mes voeux, de bonheur, de lectures…
Écrit par : Pitou | 02/01/2007
Écrit par : Lou | 02/01/2007
Écrit par : Zorglub | 07/06/2007
Écrit par : Lou | 08/06/2007
http://www.lecture-ecriture.com/critique_livre?livre=273
Du temps avait passé et les idées d’Orwell étaient plus modernes que celles de London, mais la surexploitation humaine et la misère la plus noire sévissait toujours au quotidien.
Un document qui se lit comme un roman.
Écrit par : Sibylline | 29/07/2007
Excusez-moi 🙁
Écrit par : Sibylline | 29/07/2007
Écrit par : Lou | 08/08/2007
Écrit par : chitti | 10/02/2008
Écrit par : Lou | 12/02/2008
Écrit par : Isil | 06/11/2008
Écrit par : Lou | 14/11/2008
Écrit par : Océane | 30/03/2009
Écrit par : Lou | 31/03/2009
Écrit par : Océane | 31/03/2009
En fait je dois avouer que j’ai mis longtemps à venir vers London comme j’ai un peu de mal avec les romans se passant dans la nature, que ce soit contemplatif ou surtout aventurier. Par exemple « Croc-blanc » ne m’attire pas beaucoup. Du coup quand j’avais vu ce titre sur Londres, moi qui adore la ville et l’époque en question, j’avais sauté sur l’occasion pour découvrir London. Est-ce que tu penses que par rapport à ça certains titres pourraient me convenir plus que d’autres ? Du moins pour continuer en douceur, avant de me lancer dans les grands froids et les grands espaces ? :o)
Écrit par : Lou | 06/04/2009
Martin Eden et Radieuse Aurore sont parmi mes favoris. Martin Eden parle d’un jeune ouvrier qui par amour pour une jeune fille de la bourgeoisie va s’initier aux livres et à l’éctriture, et à travers une expérience assez amère, découvrir que la médiocrité et la bassesse ne sont pas question de classes sociales. C’est surtout une ode au savoir comme libérateur de la conscience individuelle je trouve (j’en ai parlé un peu sur mon blog). Radieuse Aurore est une histoire d’amour un peu plus classique qui tourne autour des thèmes de l’argent et de l’attachement à cet argent. Le Talon de Fer est un roman politique sur l’établissement d’un régime fasciste aux USA et une contre révolution ouvrière, pas du tout chiant malgré ce que je peux laisser supposer :). Le vagabond des étoiles raconte l’histoire d’un prisonnier qui subit les pires saloperies qu’on peut imaginer dans l’univers carcéral et qui pour s’échapper n’a plus que son imagination: résumé un peu lapidaire mais c’est là un chef d’œuvre, vraiment !!!
Et il a aussi écrit un roman qui se passe au néolithique, il y en aurait trop à dire en fait !
Écrit par : Océane | 06/04/2009
Écrit par : Lou | 11/04/2009
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