Fini ce soir… note à venir très rapidement !
Par esprit de contradiction, je fuis assez souvent les Prix Littéraires récents et les livres qu’il faut absolument avoir lus – et qui croisent mon chemin régulièrement pendant des mois dans le métro.
L’Elégance du Hérisson de Muriel Barbery faisait partie de ceux-là. Et pourtant, depuis sa sortie, je le feuilletais régulièrement en librairie. Achètera ou n’achètera pas ? Bizarrement, si j’ai autant attendu pour le lire, c’était plutôt parce que, malgré mon immense envie de lire ce roman qui me semblait fait pour moi, les premières pages me rebutaient systématiquement. Car l’introduction en forme de caricature était loin de me plaire.
Cet a priori résume assez bien mon sentiment à la lecture de ce roman. Commençons par ces petits agacements qui, partout ailleurs, m’auraient fait jeter mon livre par la fenêtre – assommant très certainement le concierge passant par là au mauvais moment.
Voilà ce qui pourrait être insupportable dans ce roman : le défilé de caricatures et de situations plus grotesques les unes que les autres. Résumons : les pauvres sont gentils et saisissent à leur manière le sens de la vie. Les riches sont bêtes et méchants. Les pauvres doivent rester à leur place. Les fils de riche sont des débiles profonds mais font des études prestigieuses. Les écoles et l’Université en prennent pour leur grade. Pour résumer, les étudiants sont des petits bourgeois prétentieux arriérés. Les concierges doivent passer pour des abruties finies quoi qu’il leur en coûte. Sans compter qu’une concierge qui ne serait pas laide et ne ferait pas de cassoulet pourrait peut-être passer pour un agent du FBI tant elle serait improbable. Histoire de ne pas trop bouleverser les vieux clichés. Je dirais même qu’à force d’excès de zèle on dépasse même les pires des clichés.
Quelques exemples :
Une grande bourgeoise vivant dans le 7e doit forcément en prendre pour son grade. Quitte à créer un dialogue à la crédibilité douteuse. Fait de « euh… », « enfin… ».
Une héroïne cultivée et intelligente peut se permettre de supposer que le nouveau voisin, parce qu’il s’appelle Ozu, est forcément de la famille du réalisateur du même nom. Tenez, si ma nouvelle voisine s’appelle Claire Dupond, je trouverai ça follement excitant et me demanderai quelle est sa parenté avec le danseur Patrick Dupond.
Et en live, un passage profondément ridicule (extrait du journal de Paloma, qui, à 12 ans, écrit sur l’absurdité du monde en évoquant régulièrement son statut de surdouée) :
« Tibère, c’est le copain de ma sœur. Il fait Normale sup comme elle, mais en maths. Quand je pense qu’on appelle ça l’élite… La seule différence que je vois entre Colombe, Tibère, leurs copains et une bande de jeunes « du peuple », c’est que ma sœur et ses potes sont plus bêtes. Ça boit, ça fume, ça parle comme dans les cités et ça s’échange des paroles du type : « Hollande a flingué Fabius avec son référendum, vous avez vu ça, un vrai killer, le keum » (véridique) ou bien : « tous les DR (les directeurs de recherche) qui sont nommés depuis deux ans sont des fachos de base, la droite verrouille, faut pas merder avec son directeur de thèse » (tout frais d’hier). Un niveau en dessous, on a droit à : « en fait, la blonde que J.B mate, c’est une angliciste, une blonde, quoi » (idem) et un niveau au-dessus : « la conf. de Marian, c’était de la balle quand il a dit que l’existence n’est pas l’attribut premier de Dieu » (idem, juste après la clôture du dossier blonde angliciste). Que voulez-vous que j’en pense ? Le pompon, le voilà (au mot près) : « c’est pas parce qu’on est athée qu’on n’est pas capable de voir la puissance de l’onthologie métaphysique. Ouais, ce qui compte, c’est la puissance conceptuelle, pas la vérité. Et Marian, ce sale curé, il assure, le bougre, hein, ça calme. »
Je ne veux surtout pas connaître les traumatismes endurés par Muriel Barbery pour écrire un tel ramassis d’inepties. Je souligne le mot « bougre » que les khâgneux utilisaient peut-être encore il y a plus de vingt ans et qui souligne à lui seul la vacuité du propos.
Après avoir enfoncé cet aspect insupportable du roman en bonne et due forme (ouf ! ça va mieux !), que dire ? Que j’ai détesté ? Que c’est lamentable ? Que nenni ! Bizarrement, malgré ces passages qui m’ont fait serrer les dents, je résumerais L’Elegance du Hérisson à une chose : l’immense plaisir de la lecture.
Ce roman est un hommage à l’art, à la littérature et à la vie. Les personnages érudits, malgré leurs travers, parviennent à communiquer leur amour du Vrai en faisant moult commentaires d’une remarquable justesse. A la lecture de ce roman intellectuellement stimulant, on s’interroge sur nos propres motivations, notre sensibilité. L’histoire devient de plus en plus émouvante. La concierge de plus en plus authentique. On en vient presque à comprendre pourquoi elle s’obstine à passer pour une analphabète devant les habitants de l’immeuble. Le fin le dispute à l’absurde. Quête philosophique, petit traité d’humanité, ce livre m’a au final beaucoup touchée. Un roman que je ne suis pas prête d’oublier !
356 p
Muriel Barbery, L’Elegance du Herisson, 2006
Commentaires
Écrit par : Agnès | 08/12/2007
Écrit par : Joelle | 08/12/2007
Écrit par : Agnès | 08/12/2007
Écrit par : Karine | 09/12/2007
Écrit par : Choupynette | 09/12/2007
@ Choupynette : moi aussi ça m’énerve. ça renforce les vieux clichés et ça fait passer les étudiants en général pour des imbéciles… mais heureusement le roman avait d’autres mérites qui m’ont permis de passer outre (ou « presque » ;o))
@ Karine : j’attends avec impatience ton avis !:o)
Écrit par : Lou | 10/12/2007
Bonne soirée Lou !
Écrit par : Florinette | 10/12/2007
Écrit par : Agnès | 10/12/2007
Écrit par : katell | 12/12/2007
@ Agnès : je ne nie pas l’existence de quelques cas pathétiques, mais en tout cas pour les grandes écoles, je n’ai pas retrouvé les défauts et absurdités qui me paraissent plus crédibles :o) Mais après tout c’est de la fiction ;o)
@ Katell : je trouve que c’est un livre très sensible et émouvant. La fin me plaît tout particulièrement, même si je suis critique sur certains aspects.
Écrit par : Lou | 15/12/2007
Écrit par : praline | 16/12/2007
Écrit par : Lou | 16/12/2007
Écrit par : Nanne | 17/12/2007
Écrit par : Lou | 18/12/2007
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