
N’aie crainte, lecteur avide de scandales, de passions, de drames, de folie et de funestes troubles de la personnalité ! Mon livre et moi sommes nous-mêmes ou peut-être lui moi et moi lui ou peut-être ni l’un ni l’autre ou simplement le reflet d’un autre et de son livre dans la glace de sa salle de bain. Pas de psychomachintruc ici, pas de thérapie surtaxée ni de fausses analyses détaillées du moi profond… d’ailleurs, je m’en vais me défaire de mon livre, le brûler, briser mon miroir et me retrouver enfin !
Ouf, il s’en est fallu de peu pour que mon livre et moi-même sombrions dans la plus pathétique décadence en nous livrant à ce petit jeu de rôle. Si j’y échappe avec soulagement, je ne regrette cependant pas mon intrépide plongeon dans les profondeurs du Château Blanc d’Orhan Pamuk.
Prix Nobel de littérature depuis peu, Pamuk a attiré mon attention à juste un titre avec ce beau roman serti d’une couverture fleurant bon les contrées lointaines et les déserts mélancoliques. Autobiographie d’un Italien capturé par les Turcs et devenu esclave, ce récit se déroule sous le règne de Mehmet IV, au XVIIe. Le héros y relate ses aventures à la cour et sa participation à de gigantesques projets faisant appel aux connaissances scientifiques les plus abouties à l’époque, mais aussi au génie de deux hommes suffisamment fous pour chercher à changer le cours des choses par leurs inventions et leurs réflexions sur la condition humaine.
Parce qu’il semblait transcender les cultures, Le château blanc m’a tout de suite séduite. En réalité, le récit se déroule uniquement en Turquie et la culture italienne n’occupe qu’une place mineure dans le récit. Peu importe. Le style est agréable, l’histoire se lit avec plaisir et, malgré quelques longueurs et redondances, ce roman est un beau conte prêt à faire rêver les Modernes que nous sommes.
Mais gare à vous si vous poussez la porte du château les yeux fermés. Soyez au guet, attentifs à chaque bruit, à chaque remarque et surtout, à chaque non-dit. D’emblée, le narrateur inquiet pour son lecteur le met en garde : il lui annonce que le présent livre est en réalité la transcription d’un véritable récit retrouvé récemment dans les archives nationales. Certes, il s’agit bien de la prétendue autobiographie d’un Italien devenu esclave à Istanbul. Mais les incohérences ne manquent pas dans son récit. Il décrit par exemple la peste alors que celle-ci n’est évoquée dans nul autre document historique de l’époque. Prenons donc ce manuscrit avec précaution et n’accordons pas trop d’importance à ce que nous raconte cet énergumène enclin à la fabulation.
Nous voilà maintenant plongés dans le récit douteux d’une vie exceptionnelle… mais voilà que le doute surgit à nouveau. Le nouveau maître de notre héros lui ressemble trait pour trait et ne semble pas s’en émouvoir, ni même y prêter attention. Coïncidence ? Non, car dans une relation faite de passion et de haine, les deux personnages vont subir l’influence de l’autre, la rejeter, l’ignorer, la dénoncer, la rechercher pour la rejeter à nouveau… l’un devient l’autre ou l’un a toujours été l’autre, le doute subsiste jusqu’à la fin du récit. C’est alors que maître et esclave changent de rôle. Le maître s’enfuit en Italie et rejoint la fiancée de l’esclave, qui lui se fait passer pour le maître, premier astrologue à la cour. Vérité ou mensonge ?
Le récit s’achève alors que l’ancien esclave évoque la venue d’un personnage persuadé que le maître devenu esclave en fuite est bien l’Italien pour qui il se fait passer. Cet homme lit alors les mémoires que nous venons de parcourir. Et le voilà pris d’un doute, il refuse, puis admet l’échange… connaissons-nous alors la véritable identité du narrateur ? Sans aucun doute ! Oui, mais… c’est alors que l’homme s’exclame et cherche compulsivement un passage déjà lu. Incohérence ? Et nous voilà, pauvres lecteurs, abandonnés lâchement sur ce dernier sursaut, en proie au doute et franchement ravis de cette fin qui compense largement les quelques longueurs du récit…
A recommander également pour les lecteurs habituels d’Amin Maalouf !
259 p
Commentaires
j’ai un ami fan de lui . il comprend , lit et parle turc.
J’hésitais à le lire.
Tu m donnes vraiment envie.
Écrit par : Gioria | 16/01/2007
Écrit par : Lou | 16/01/2007
Écrit par : Allie | 16/01/2007
Écrit par : beatrix | 17/01/2007
@ Beatrix : je suis ravie de t’avoir donné envie de découvrir ce roman 🙂 j’espère qu’il te plaira autant !
Écrit par : Lou | 17/01/2007
Écrit par : Caroline | 18/01/2007
Écrit par : Florinette | 18/01/2007
@ Florinette : je compte bien découvrir ses autres romans prochainement 🙂
Écrit par : Lou | 19/01/2007
J’ai hâte de lire ces deux romans après la lecture de ton billet.
Écrit par : katell bouali | 27/01/2007
Écrit par : Lou | 27/01/2007
Mais je m’égare….Donc merci encore une fois pour tes impressions sur ce roman.
Bonnes Lectures
Écrit par : Pascal | 08/02/2007
Écrit par : Lou | 09/02/2007
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