Dans la famille irlandaise je demande la petite-fille

985454828.jpgIl y a des rencontres qui doivent à peu près tout au hasard. Celle de Miss Lou, petite LCA, et de La Visiteuse de Maeve Brennan fait partie de celles-là. Ayant découvert ce livre en farfouillant parmi les occasions à 1 € d’une librairie, je l’ai lu en quelques heures avant mon départ en vacances… une excellente entrée en matière pour la période de Noël.

Ayant récemment perdu sa mère, avec qui elle vivait à Paris, Anastasia revient en Irlande chez sa grand-mère paternelle, dans la maison de son enfance. S’attendant à pouvoir s’installer définitivement auprès de la seule famille qui lui reste, la jeune femme découvre qu’elle n’est pas la bienvenue et que son séjour ne saurait se prolonger au-delà d’une certaine durée.

Personnage a priori dur et amer, sa grand-mère ne parvient en effet pas à lui pardonner le fait d’avoir suivi sa mère lorsque celle-ci avait déserté le foyer conjugal, pas plus que son absence lors du décès de son père quelques années plus tard. Privée de son enfant unique, la grand-mère peine à faire son deuil et rend Anastasia largement responsable du malheur qui s’est abattu sur sa famille.

En parallèle, une autre femme au destin bien triste intervient à l’occasion dans la vie d’Anastasia et de la grand-mère. Cette femme âgée, Mlle Kilbride, vit seule après la mort d’une mère despote. Souffrant d’un amour de jeunesse jamais oublié, cette vieille fille est l’incarnation de la solitude dans ce qu’elle a de plus dégradant : ridicule avec sa perruque noire, Mlle Kilbride vit dans l’attente d’une visite d’Anastasia, la seule à qui elle pourrait peut-être demander d’exaucer ses dernières volontés.

Sorte de huis clos à l’atmosphère pesante, ce roman semblerait particulièrement représentatif de l’oeuvre de Maeve Brennan, « trois notes (formant) un accord récurrent – la rancune dévorante, la nostalgie dévorante et le besoin d’amour dévorant ».* Difficile d’abandonner ce livre assez angoissant, triste et fait d’espoirs sans cesse contrariés. Devant la froideur de la grand-mère, on continue à attendre un sursaut d’amour, un changement d’attitude qu’un moment d’approbation et de complicité entre elle et Anastasia semble rendre possible. Les revirements d’humeur de même que le retour invariable du rejet peinent autant le lecteur que la jeune héroïne en quête d’un foyer. Mélancolique et hivernal, le cadre a ce charme britannique désuet qui accompagne si bien la narration que je trouve très poétique. La cruauté et la folie ne sont pas loin non plus et tout en attristant le lecteur par sa solitude si parfaite, Anastasia effraie aussi par ses impulsions et son comportement à de rares moments irrationnels. Cette intrusion de l’insolite gagne en intensité en raison du contexte par ailleurs réaliste.

C’est aussi un récit où les hommes sont totalement absents, où les femmes se battent pour le souvenir irréel d’une présence masculine, tâchant de contrôler le présent en se ré-appropriant la réalité afin de la façonner à leur envie.

Un livre délicat et sombre ainsi qu’un excellent roman psychologique !

 

J’apprécie beaucoup les Editions Joëlle Losfeld (aussi bien la ligne éditoriale que les dossiers complémentaires et les couvertures très réussies). J’espère qu’elles continueront à faire sortir Maeve Brennan de l’oubli dans les pays francophones.

*Note de l’éditeur

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93 p

Maeve Brennan, La Visiteuse, 1940’s (milieu)

Commentaires

Je n’ai lu qu’un livre publié chez cet éditeur, et ça avait été laborieux. Mais là, je suis vraiment tentée !

Écrit par : Lilly | 04/01/2009

J’aime bien le côté « roman psychologique », je note le titre.

Écrit par : Cécile | 04/01/2009

c’est une sorte de novella ? 93 pages… je devrai pouvoir le caser entre deux gros pavés.

Écrit par : Laetitia la liseuse | 04/01/2009

Je viens squatter ce billet afin de venir te souhaiter tous mes meilleurs voeux 2009. Santé, amour, amitiés, lectures victoriennes et autres, swap amooooooour et tout y quanti 🙂

Écrit par : anjelica | 04/01/2009

@ Lilly : de quel titre s’agissait-il ?

@ Cécile : j’adore les textes psychologiques moi aussi, et ce livre repose essentiellement sur deux/trois personnalités complexes…

@ Laetitia : oui, j’aurais dit « novella » aussi mais j’ai repris le terme de l’éditeur ^^

@ Anjelica : merci d’avoir « squatté », ça me fait super plaisir, d’autant plus que je suis très en retard dans mes voeux et mes réponses aux commentaires laissés sur ce blog depuis le début des fêtes !! Excellente année à toi aussi :o)

Écrit par : Lou | 05/01/2009

Et bien voilà le premier livre noté en 2009! Je te souhaite une très belle année 2009.
(attention, l’adresse de mon blog a changé)

Écrit par : Gambadou | 06/01/2009

@ Gambadou : merci de me signaler ta nouvelle adresse, je vais la changer dans la liste des blogs amis dès demain (euh oui je ne peux pas maintenant, je file :o)). Très bonne année à toi !!

Écrit par : Lou | 06/01/2009

Bon, ça ne va pas du tout ! Je viens te rendre visite et ma PAL s’agrandit à chaque fois !!! Mais comment je vais tenir mes résolutions de l’année, moi ???

Écrit par : liliba | 08/01/2009

Tiens c’est bizarre … il était déjà noté dans ma LAL ! Où ai-je bien pu trouver ce titre ? Mais ton billet ne fait que confirmer que j’avais bien fait la première fois de le noter 😉

Écrit par : Joelle | 08/01/2009

@ Liliba : bon d’accord je ne vais parler que de livres assommants maintenant 😉

@ Joëlle : je n’en avais jamais entendu parler avant de tomber dessus mais je ne regrette pas ! Je le recommande pour l’hiver, personnellement j’aime bien lire des livres correspondant un peu aux saisons…

Écrit par : Lou | 08/01/2009

Bonjour.
J’ai bien aimé ce petit livre, mieux que son recueil de nouvelles « Les origines de l’amour ». Joëlle tu l’avais peut-être noté chez moi?
Yvon

Écrit par : Eireann Yvon | 02/03/2009

@ Eireann Yvon : ici ce n’est pas le blog Joëlle même si elle est toujours la bienvenue, hehe ;o)
Quoi qu’il en soit pour répondre à ta question je suis tombée complètement par hasard sur ce livre, cette fois-ci non sur les blogs mais dans une librairie où je l’ai trouvé en occasion et acheté par impulsion. Peut-être avais-je déjà vu l’auteur sur un billet mais je ne m’en souvenais pas au moment de l’acheter. J’ai vu en publiant ma note que Lily avait par hasard lu le même livre à Noel elle aussi. En revanche je serais curieuse de lire ce que tu as écrit sur « Les origines de l’amour ». Merci d’en parler ici !

Écrit par : Lou | 02/03/2009

Bonsoir Lou,
Je savais quand même que je n’étais pas chez Joëlle!
Pour « Les origines de l’amour » de Maeve Brennan, il y a une chronique sur mon blog.
Pour résumer, je dirais que cela a vieilli, ces textes furent écrits entre 1950 environ et 1973.
Chose que je n’avais pas ressentie en lisant « La visiteuse ».
A bientôt.
Yvon.

Écrit par : Eireann Yvon | 02/03/2009

@ Yvon : mille excuses, je viens de faire le rapprochement avec l’éditeur, je suis vraiment étourdie ! le « Joëlle tu l’avais peut-être noté chez moi? » m’a un peu déroutée… tst tst tst, bravo Lou (et non Joelle) !
Merci pour ces précisions… je reste curieuse malgré tout mais ta mise en garde m’évitera une déception si je décide effectivement de relire Brennan.

Écrit par : Lou | 02/03/2009

Et bien je viens de lire ce court roman grâce à Lily. J’ai été touché aussi par ce livre et l’atmosphère qui se dégage !

Écrit par : Alice | 03/03/2009

@ Alice : c’est un livre très particulier, à l’atmosphère assez troublante… une belle lecture ! Je suis contente de voir que toi aussi tu as aimé…

Écrit par : Lou | 03/03/2009

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