« Sujet repéré sur la ligne 1 à 8h23. Stop. Sujet en possession de l’objet délictueux. Stop. Dois-je appréhender le sujet ? »
SCOOP ! Frayeur dans le métro !
« Jeudi, une jeune étudiante a été arrêtée dans le métro en possession d’une hache à 5 lames et d’un cure-dent explosif. Le sujet, repéré par d’autres voyageurs en possession d’un livre suspect, se prétend chroniqueuse officielle de l’obscure confédération Lou Book. Inculpée pour lecture frauduleuse et tentative d’homicide sur la personne d’un autre usager des transports en commun, ladite chroniqueuse clame son innocence et prétend lutter au nom de la poésie. La prévenue risque une peine de 50 ans de cure forcée dans un centre de lobotomisation anti-culturelle suivie d’une expulsion du territoire pour blâme collectif. »
Chers lecteurs,
Je suppose que vous vous interrogez sur la raison d’un tel scoop et que, scandalisés, vous vous apprêtez à sortir flambeaux et banderoles pour défendre farouchement votre chroniqueuse outragée. Je vous rassure tout de suite, ce scoop est une pure invention, un simple exutoire après deux journées de frustration et d’agacement intenses.
Pourquoi ? Essayez donc de lire La jeune fille suppliciée sur une étagère dans les transports en commun, de poser ce petit livre sur votre table de cours ou légèrement en évidence lorsque vos amis arrivent chez vous pour dîner. Laissez-moi vous présenter la situation :
Cas de figure numéro 1 : effrayé, votre voisin de table s’écarte de deux rangs, vos amis se lancent des coups d’œil lourds de sous-entendus, l’homme sur le strapontin d’en face vous dévisage ouvertement avec un rictus débilissime.
Cas de figure numéro 2 : ne voyant que les mots « fille supplici… », vos compagnons d’infortune se contorsionnent, tordent leur cou et louchent sur votre livre à tel point que les yeux ne sont pas loin de leur sortir de la tête… pour finalement vous demander sur un ton faussement innocent : « au fait, tu lis quoi ? ». Le tout pour ensuite afficher un air horrifié, dégoûté, bien sûr monstrueusement hypocrite vu leur curiosité morbide précédente.
Ai-je donc lu un roman d’horreur cette semaine ? Serais-je friande de massacres à la tronçonneuse ? J’en doute fortement. Et je mets en garde ici les pauvres lecteurs qui se verront couvrir d’opprobre en lisant ce même recueil, tout comme les voisins peu scrupuleux qui auraient tendance à s’imaginer que le lecteur à leurs côtés est un psychopathe aux lectures d’une morbidité fascinante.
La jeune fille suppliciée sur une étagère de Yoshimura est un livre particulier, fascinant, qui traite de la mort avec poésie et détachement, choisissant les sujets les plus audacieux sans tremper dans le scandale ni le vulgaire.
La première nouvelle de ce recueil retrace le parcours de la jeune Micko Mizuse après son décès. Allongée sur un tatami dans la maison parentale, Micko voit ses parents recevoir une somme d’argent pour confier son corps à la science. Elle assiste avec détachement à la dégradation de son corps, dépouillé de ses organes, plongé dans l’alcool puis incinéré. Subissant une dernière honte lorsque sa mère refuse de recueillir ses cendres, l’adolescente finit auprès des restes d’autres disparus, pensant trouver le repos dans les profondeurs du bâtiment funéraire… pour finalement entendre les bruissements provoqués par d’autres disparus.
La seconde nouvelle, le Sourire des Pierres, évoque les retrouvailles d’Eichi et Sone, deux amis d’enfance autrefois habitués à jouer dans le cimetière attenant à leur maison. Sone vit de la revente illégale de statues funéraires anciennes et semble avoir causé le suicide d’une jeune fille. Eichi s’interroge sur Sone ; le malaise grandit lorsque sa sœur se rapproche de lui.
Ce recueil rappellera à certains la grâce et la poésie des récits de Yoko Ogawa. Sans être totalement conquise, j’ai apprécié le rythme et la musicalité des textes de Yoshimura, la mélancolie de ces récits où l’éveil des sens est peut-être le thème central. Beauté et détachement sont les maîtres mots de ces nouvelles traitant avec subtilité d’un thème pourtant grave. Là encore, je suis fascinée par la maîtrise avec laquelle les auteurs japonais font de la mort un sujet envoûtant, nous troublant sans pour autant gâcher le plaisir de la lecture.
140 p
Commentaires
Écrit par : Lilly | 09/02/2007
PS: mon copain aussi a fait une drôle de tête en voyant le titre du roman mais il a l’habitude, il n’est pas parti en courant 😉
Écrit par : Hilde | 09/02/2007
@ Hilde : tu verras, c’est un peu bizarre (je me serais passée de certains légers détails anatomiques), mais l’écriture et le choix de la narration méritent toute notre attention ! Quant à ton ami, tant que tu n’achètes pas dans les prochains jours les DVD de « Massacre à la tronçonneuse », il ne devrait pas se poser trop de questions…
Écrit par : Lou | 09/02/2007
Écrit par : yueyin | 12/02/2007
Écrit par : Lou | 15/02/2007
Et hop dans le panier !
Merci Lou !
Écrit par : lily | 20/06/2007
Écrit par : Lou | 21/06/2007
Écrit par : wictoria | 06/11/2008
Écrit par : Lou | 14/11/2008
Les commentaires sont fermés.