Amélie Nothomb, Ni d’Eve ni d’Adam

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Cela fait longtemps que je n’avais pas lu Amélie Nothomb. Après La Métaphysique des Tubes lu et adoré à l’adolescence, j’avais abandonné Antéchrista (trop éprouvant) et Le Sabotage amoureux (j’étais passée complètement à côté). Et puis, il faut bien l’avouer, la popularité de certains auteurs finit par me les rendre suspects. Ni d’Eve ni d’Adam m’a été prêté récemment par une inconditionnelle de Nothomb et m’a finalement réconciliée avec elle.

Si Stupeur et Tremblements décrivait la vie dans une entreprise japonaise (roman que j’ai désormais hâte de découvrir), l’auteur s’attache ici à décrire sa relation avec Rinri, jeune japonais. Tous deux sont étudiants. Amélie est de retour au Japon où elle a vécu enfant et étudie le japonais tandis que Rinri apprend (mal) le français dans une université « de gare » (de son appellation japonaise). La Belge va donner des cours à Rinri et bientôt, tous deux forment un couple.

Intelligent, amusant, bien écrit, ce roman nous fait suivre les traces d’une Occidentale au Japon à la fin des années 80. C’est un choc des cultures qu’Amélie Nothomb nous donne à voir, grâce à son oeil acéré et sa prose directe et claire. Pendant son long séjour, la jeune femme vit à Tokyo et voyage, nous entraînant à sa suite à Hiroshima, à la montagne ou encore sur l’île de Sado. Il en ressort des anecdotes dignes d’intérêt, parfois même saisissantes sur la culture japonaise.

Sur Hiroshima : « C’était comme si, ici, les êtres vivaient plus fort qu’ailleurs. Habiter une ville dont le nom signifiait, pour la planète entière, la mort avait exalté en eux la fibre vivante ; il en résultait une impression d’optimisme qui recréait l’ambiance d’une époque où l’on croyait encore en l’avenir. (…) Rien, absolument rien ne suggérait une ville martyre. Il me sembla que, dans n’importe quel autre pays, une monstruosité de cette ampleur eût été exploitée jusqu’à la lie. Le capital de victimisation, trésor national de tant de peuples, n’existait pas à Hiroshima. «  (p102-p103)

« Au Japon, les stations de ski sont très rares et aucune population sédentaire n’habite la montagne qui est le royaume de la mort et des sorcières. C’est pourquoi l’Empire demeure d’une sauvagerie dont les témoignages ne rendent pas assez compte. » ( p 169)

« Le kotatsu représente un mode de vie davantage qu’un chauffage ; dans les maisons traditionnelles, un trou carré occupe un vaste coin de séjour et, au centre de ce creux, siège le poêle en métal. On s’assied par terre, les jambes pendantes dans la piscine remplie de chaleur, et on protège ce bassin d’air torride d’une immense couverture. » (p174) En cherchant ce terme j’ai surtout trouvé des tables recouvertes d’un futon, avec un chauffage en dessous, mais j’ai fini par tomber sur une photo plus proche de ce que l’auteur décrit ici.

Au contact de Rinri, Amélie découvre de nouvelles subtilités de la vie japonaise. La mère de Rinri, si polie, qui lui demande soudain pourquoi elle cherche à s’exprimer de façon sophistiquée quand son visage bien trop expressif ne lui permettra jamais d’être une femme distinguée. Ses jambes blanches sous sa robe courte en été lui valent également l’hilarité de la famille de Rinri : une femme comme il faut mettrait des collants, même sous la canicule. Lorsque Rinri décide de lui présenter ses amis, il s’éclipse aux fourneaux pendant tout le repas et Amelie découvre que les convives attendent d’elle qu’elle ne mange pas et parle, comme les « conversationneurs » (métier inventé pour permettre à la bonne société de manger sans avoir à se préoccuper de la discussion). Amélie déblatère sur les mérites des bières belges pendant tout le repas, voyant défiler les mets plus délicats devant elle à son plus grand désespoir. Arrive ensuite cette demande de mariage acceptée par erreur parce qu’elle a répondu « non » à une formulation à la tournure négative, ce qui équivaut à une réponse positive.

Et puis, comme Amélie savoure les plats japonais, nos papilles frémissent d’envie en lisant certains passages. Je rêve d’okonomiyaki depuis cette lecture, mais voici d’autres mets délicats qui passent devant nos yeux brillants à la lecture de ce roman :

« Il revint avec un plateau de merveilles qu’il disposa devant nous : beignets de pissentlis, feuilles de chiso farcies aux racines de lotus, fèves confites aux cédrats, crabes nains frits à croquer entiers. » (p143) « (Il) les remplaça (…) par des ramequins individuels de chawan mushi, (…) ce flan de fruits de mer et de champignons noirs au fumet de poisson qu’il faut manger brûlant » (p147)

Un récit exquis, enlevé, où une jeune femme à la forte personnalité partage avec nous son amour du Japon. Si ce pays me fascinait depuis longtemps, voilà un roman qui a encore aiguisé mon appétit de voyage et de dépaysement au pays du soleil levant.

Présenté dans le cadre du rendez-vous autour d’Amélie Nothomb et de ses romans se déroulant au Japon. C’est aussi ma première participation au Mois belge !

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245 p

Amélie Nothomb, Ni d’Eve ni d’Adam, 2007

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Commentaires

et bin une autre facon de decouvrir ce japon si etrange….;)

Écrit par : rachel | 03/04/2018

@ Rachel : exactement, et je viens de terminer ce soir « Stupeur et tremblements », dévoré en deux jours lui aussi.

Écrit par : Lou | 03/04/2018

J’ai commencé par « stupeur et tremblements », je crois que « ni d’Eve ni d’Adam » va plus me plaire. Ton article me le confirme, j’ai envie de le découvrir et vite !

Écrit par : Isabelle | 03/04/2018

@ Isabelle : je viens de lire ton billet et de te laisser un commentaire, je suis ravie de voir que celui-ci t’attire davantage… justement je te le conseillais car en te lisant je comprends ton ressenti et me dis que la lecture de « Ni d’Eve ni d’Adam » m’a probablement permis de mieux comprendre « Stupeur et Tremblements » que je viens de terminer.

Écrit par : Lou | 03/04/2018

Je me suis un peu lassé de lire Nothomb, mais par contre j’adore ses récits autobiographiques, celui là me tente beaucoup. J’ai une question ; j’aimerais beaucoup m’inscrire à ton challenge du japon et surtout à votre RAT , c’est possible avec deux ou trois lectures ? J’ai peu d’auteurs japonais sur ma Pal ^_^

Écrit par : l’or rouge | 03/04/2018

et bin didonc Amelie t’engloutit…lol

Écrit par : rachel | 04/04/2018

On se rejoint sur l’intérêt du récit et son piquant. Sur l’envie d’okonomiyaki aussi ^^

Écrit par : Nahe | 04/04/2018

J’avais adoré ce roman et te lire me le remet en tête 🙂

Écrit par : Blandine | 04/04/2018

Je n’ai pas lu ce titre (mais j’ai aimé Stupeur et tremblements) parce que j’en ai moi aussi eu un peu marre d’Amélie Nothomb… Contente que cela t’ait réconciliée avec elle !

Écrit par : Anne | 04/04/2018

D’une pierre deux coups ! Pour ma part, c’est Acide Sulfurique qui m’a (un peu) réconciliée avec Nothomb l’an dernier. Je verrai plus tard pour un autre roman d’elle tout de même ^^

Écrit par : Lili | 04/04/2018

Des années que je ne l’ai pas relue, comme beaucoup j’ai fait une overdose à force de la voir partout et sortir des romans très oubliables d’une année sur l’autre. Tu me rappelles qu’elle a pourtant du talent et des œuvres très intéressantes à son actif.

Écrit par : Lilly | 04/04/2018

Inconditionnelle d’Amélie Nothomb, j’ai tout lu mais je n’ai pas tout aimé. Celui-ci fait partie des romans que j’ai adorés comme tous ceux qui parlent du Japon.
Tu en parles vraiment bien et c’est un plaisir de lire un billet si fouillé.

Écrit par : argali | 04/04/2018

Toujours pas lu !!!! Il y a tant de tentations livresques qu’elle finit toujours aux oubliettes!

Écrit par : lcath | 04/04/2018

@ l’or rouge : mais oui bien sûr tu peux tout à fait t’inscrire en cours, et il n’y a pas de nombre de participation(s) obligatoire :o) Je serai ravie de partager un nouveau RAT avec toi !
Quant à Nothomb j’ai donc lu depuis (les deux en l’espace de quelques jours) « Stupeur et Tremblements », je vais lire « La Nostalgie heureuse » et même si cette veine autobiographique me tente plus que le reste, ces lectures me donnent envie de reconsidérer Amélie Nothomb que je ne comptais plus trop lire.

@ Rachel : tout à fait ;o)

@ Nahe : j’en ai dégusté depuis la rédaction de mon billet, une connaissance franco-nippone nous a recommandé un petit resto spécialisé… le resto ne paye pas de mine et on serait probablement passés à côté si on avait erré dans la rue, mais la visite valait le détour !

@ Blandine : il faut dire que cela fait un petit moment qu’il a été publié en effet :o)

@ Anne : J’ai lu « Stupeur et tremblements » depuis, les deux sont complémentaires. Je vais finir par « La Nostalgie heureuse », on verra si je tente d’autres Nothomb ensuite.

@ Lili : ah merci de ce conseil, je vais regarder de quoi ça parle alors ! Je ne compte pas tout lire vu mes expériences mitigées, mais quelques titres pourraient encore me plaire je pense.

@ Lilly : cela faisait longtemps que je ne l’avais pas lue non plus, et effectivement j’avais trouvé une de mes lectures ratées bien en deçà du souvenir que j’avais de la « Métaphysique des tubes ».

@ Argali : Ses romans parlant du Japon sont ceux qui pouvaient le plus m’attirer, voyons si je trouve mon compte ensuite avec d’autres titres ! Merci beaucoup pour ton gentil message !

@ lcath : j’ai mis un temps fou à lire « Stupeur et tremblements » que j’avais longtemps gardé dans un coin de ma tête… clairement une grosse déception m’avait fait oublier cet auteur. Finalement je révise mon jugement et vais poursuivre la découverte de son oeuvre, en opérant des choix stratégiques !

Écrit par : Lou | 07/04/2018

J’avais beaucoup aimé Stupeurs et tremblements. En fait j’ai aimé tous les premiers romans d’Amélie Nothomb et après je l’ai trouvée bien moins convaincante.

Écrit par : Une ribambelle | 10/04/2018

@ Une ribambelle : j’avoue que le fait qu’elle publie un livre par an m’a fait douter sur la qualité de ses productions, mais finalement j’ai l’impression en lisant les critiques qu’il y a peut-être les bonnes et les mauvaises cuvées. Voyons, je vais continuer à la lire après cette lecture et « Stupeur et tremblements », que je n’ai pas encore pris le temps de chroniquer.

Écrit par : Lou | 23/04/2018

1 thought on “Amélie Nothomb, Ni d’Eve ni d’Adam

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