The Addams Family ?

BD_Monsieur noir.jpgVoilà longtemps que je n’avais pas parlé de BD par ici. En farfouillant dans ma bibliothèque ce week-end j’ai eu une soudaine envie de lire l’édition intégrale de Monsieur Noir. Bien m’en a pris !

Le résumé évoque l’Angleterre au siècle dernier. Le cadre étonnant pourrait en réalité s’étendre à d’autres pays, les personnages portant d’ailleurs souvent des noms très français, pour le moins connotés (les affreux jumeaux Mambo et Tango, le jeune domestique Passepied, Carmagnole le fossoyeur…). Toujours est-il que j’ai plongé avec délice dans un tableau qui m’a immédiatement rappelé Titus d’Enfer de Mervin Peake : château immense et monstrueux, pièces et dédalles innombrables, lieu régi sans la moindre logique par des lois surnaturelles dont on pressent facilement le caractère malsain.

On est rapidement fasciné par le décor qui évolue constamment, passant de pièces sombres et misérables – pour ne pas dire glauques, à des salles richement décorées, confortables et largement éclairées. Des douves au grenier en passant par les chambres, les cuisines, la bibliothèque, les passages secrets ou le cimetière, les lieux sont innombrables et parfaitement servis par un dessin ambitieux un brin fou. Judicieusement choisies, reposant sur un fort contraste entre les vignettes ou les planches et s’appuyant au sein de chaque ensemble sur quelques notes majeures aux nuances subtilement travaillées, les couleurs restent très sobres et servent aussi merveilleusement l’environnement fantastique.

L’histoire est celle de Fanny, jeune orpheline recueillie par son oncle Lord Charleston dans l’étonnante propriété d’un certain Monsieur Noir. Soumis à un curieux bail d’une durée de 7 ans, Lord Charleston, sa famille et leurs fidèles doivent signer le contrat avec une plume particulière pour rester maîtres du château. L’arrivée de Monsieur Noir étant imminente, tous les habitants sont dès lors à la recherche de ladite plume, perdue depuis la signature précédente. S’ensuit une lutte sans merci entre les Tohu, favorables aux maîtres actuels, et les Bohu, qui veulent s’emparer du pouvoir. Tous les moyens sont bons pour retrouver la plume, à commencer par le meurtre.

Me voilà totalement séduite par cette BD que j’ai eu la bonne idée d’acheter dans une très jolie édition (couverture épaisse, introduction intéressante…). Entre Gormenghast, Grimm, roman du XIXe et vampirisme, ce conte a une portée symbolique et fait référence aux forces obscures de la politique, à la valse des dirigeants et à l’absurdité d’un pouvoir dont les limites sont de moins en moins définies (cf intro). La satire s’étend à d’autres domaines : le flegme à toute épreuve de lord Charleston, l’attirance des hommes de la maison pour la toute jeune Fanny, le fossé entre les classes dirigeantes et les classes laborieuses (représenté par l’épouse de Lord Charleston, plongée dans Karl Marx qui lui a fait découvrir avec horreur l’existence de la pauvreté). Le Bien et le Mal s’opposent mais, contrairement aux apparences, finissent par se rejoindre lorsque les aspirations des uns et des autres sont poussées à leur extrême. Monsieur Noir, machiavélique, joue avec ses locataires et les déchoit sans pitié de leurs droits. Sa façon de déterminer la signature du bail pousse aux pires atrocités. Néanmoins il y a une certaine justice dans ce procédé, qui laisse à chacun la possibilité de gouverner un jour sur le domaine de Blacktales. Quant aux personnages les plus sympathiques, ils sont souvent ridicules et ont tous leurs petites faiblesses… ou plus si affinités.

Cette bande dessinée s’inscrit parmi les indétrônables de ma bibliothèque : un régal pour passer quelques heures en compagnie de personnages passionnants et plusieurs niveaux de lecture qui font de Monsieur Noir une excellente découverte !

BD_monsieur noir planche.jpg

Un lien intéressant évoquant les différentes thématiques et présentant les personnages.

141 p

Griffo et Dufaux, Monsieur Noir, Edition Intégrale, 1999

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Commentaires

Oh la ! Mervin Peake, tu me prends pas les sentiments : je note cette BD

Écrit par : Ys | 16/12/2008

Confirme-moi … il y a bien uniquement 2 tomes ? Parce que je n’en ai que 2 à la maison ! Toujours pas lus d’ailleurs … mais du coup, je vais peut-être m’y mettre pendant les vacances 🙂

Écrit par : Joelle | 16/12/2008

Comme Ys 🙂

Écrit par : Isil | 16/12/2008

J’ai moi aussi adoré cette BD qu’on m’avait prêté il y a quelques années ! Je l’ai d’ailleurs rachetée dans la même édition que toi ! C’est une merveille.

Écrit par : Manu | 16/12/2008

Lu, acheté et relu, il a aussi une place de choix dans ma bibliothèque!

Écrit par : Loula | 16/12/2008

Je note! Je suis dans une phase BD en ce moment!

Écrit par : chiffonnette | 16/12/2008

Comme je ne connais pas encore Peake, c’est d’abord l’Addams Family qui a retenu mon attention dans ton chouette billet 🙂
En plus, je viens de voir qu’il était à la bibliothèque juste à côté de chez moi… sauf que c’est un drame : j’ai voulu y aller l’autre jour, et je n’ai pas trouvé la porte d’entrée. Ridicule, non ?! ;-))) Je voyais les livres, les gens, mais pas la porte ;))

Écrit par : erzébeth | 17/12/2008

@ Ys et Isil : je pense que je vais d’ailleurs parler de « Titus d’Enfer » début 2009. D’ailleurs dans l’intro on apprend que la ressemblance est bien voulue par le scénariste… vous verrez, les influences sont évidentes !

@ Joëlle : j’ai regardé sur le Net et je ne vois en effet que deux tomes correspondant au total au même nombre de pages.

@ Manu et Loula : chouette, on va pouvoir faire du prosélytisme ensemble 🙂

@ Chiffonnette : sage décision ^^

@ Erzébeth : c’est un scandale de faire des bibliothèques sans portes ;o)

Écrit par : Lou | 17/12/2008

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