Du sang sur les mains

1509181675.jpgChers z’amis lecteurs,

Aux tordus (un peu)  et aux sains d’esprit (pas trop), encore plus à tous ceux qui mélangent le tout dans un souci d’équité, la présente note met à l’honneur un livre récupéré au dernier dîner livres-échanges (jeudi dernier) : Dieu et nous seuls pouvons, de Michel Folco.

Si après avoir pris note de la couverture, vous pensez encore que ce roman a quelque chose à voir avec la religion et une Lou qui se serait brutalement découvert des prédispositions particulières de ce côté, je réponds tout de suite : que nenni ! Si j’ai jeté mon dévolu sur ce livre dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, c’est bien pour son sujet atypique et l’histoire saugrenue : la vie d’une famille de bourreaux, de la fin du XVIIe (moment où l’illustre Premier a embrassé la carrière) au début du XXe, à l’aube de la première guerre mondiale.

Une sorte de biographie burlesque, en somme ? Pas tant que ça. Une horrible épopée, alors ? Non plus, car loin de s’enliser dans le macabre, ce roman est empli d’humour et, pour ceux qui craindraient un véritable bain de sang, sachez que la première exécution n’a lieu qu’au bout d’une centaine de pages. Amis lecteurs, n’hésitez plus : ce livre est fait pour vous !

S’inspirant du livre Le métier de bourreau de Jacques Delarue, Folco dépeint avec précision le portrait de Justinien Trouvé devenu Pibrac, jeune homme ayant troqué une place aux galères contre un échafaud et quelques ustensiles tranchants. Ce n’est pas tant sa carrière de  « bourrel » que l’on suit que sa jeunesse et les sentiers qui l’ont inexorablement conduit à son nouvel état de « bras armé de la justice ». Cette première partie du roman s’achève sur une première exécution « réussie » et son installation officielle en tant qu’exécuteur de Bellerocaille, à la fois nanti et paria dès lors qu’il choisit d’embrasser l’(in)digne fonction.

La deuxième partie s’intéresse aux derniers héritiers de Justinien, alors qu’un décret de la fin du XIXe les a privés de leur gagne-pain en supprimant la fonction d’exécuteur départemental. On rencontre ainsi Hyppolite, dernier exécuteur de la lignée, personnage charismatique tantôt émouvant, tantôt inquiétant qui n’a de cesse de former ses enfants au cas où la charge retirée serait de nouveau à pourvoir. Tandis que son fils Henri, son épouse Adèle et leurs deux enfants prennent la route pour émigrer en Amérique, un terrible événement se produit : attaqués par un bande de brigands, trois d’entres eux décèdent. Il ne reste désormais plus que Saturnin, d’abord élevé par son oncle Léon, puis par son grand-père Hyppolite. Deux visions de la fonction s’affrontent alors dans la famille, entre l’ancien bourrel qui vise à redonner une légitimité à sa profession et le fils qui tente par tous les moyens de s’insérer dans la société en reniant autant que possible ses liens de parenté avec les Pibrac.

Avec cette étonnante famille, Michel Folco signe un roman historique passionnant, fourmillant de détails sur un métier peu connu, entre une histoire truculente et des personnages pour le moins détonants. En retraçant le parcours des Pibrac, l’auteur met en scène un obscur personnage souvent oublié, soulevant toute une série de questions d’ordre historique, politique et moral. Pourtant, si l’on peut difficilement traverser les siècles aux côtés de ces bourreaux sans s’interroger sur la façon dont ils abordent leur métier ou sur leur place dans la société, ce roman est avant tout une véritable épopée, faite de rebondissements et d’aventures de toute sorte. En particulier, Justinien Ier reste un mystère pour moi : son nez ayant été arraché à la naissance, il porte en permanence des nez de bois pour cacher ses traits défigurés. Or, aucune réponse n’est apportée à la question soulevée par conséquent : puisque l’enfant a été retrouvé abandonné, que pouvait bien avoir de particulier ce nez pour qu’on l’arrache ? Aurait-il trahi trop facilement un père ou une mère fautifs ?

Quoi qu’il en soit, charmant lecteur, entre les outils d’exécution soigneusement conservés et bichonnés par leur propriétaire, la collection de traités et essais relevant des hautes et basses œuvres, les cochons Victor et Hugo (particulièrement savoureux), une brassée de meurtres et une pincée de mystère, la famille au final diablement attachante des Pibrac ne laisse pas indifférent… il ne te reste plus qu’à te précipiter sur cet excellent roman !

748853148.jpgD’autres en ont parlé avant moi : A Livre Ouvert, BouquiNet, Les Rats de Bibliothèque, sans parler de l’excellent article de Yodup. Il existe aussi un film, le Bâtard de Dieu.

310 p

Michel Folco, Dieu et nous seuls pouvons, 1991

Commentaires

Tu m’as convaincu ! Je le note 🙂

Écrit par : Héri | 02/05/2008

Tu en parles très bien, ça semble bien intéressant… mais une famille de bourreaux… c’est un peu brrrr non? Pas certaine que c’est pour moi!

Écrit par : Karine | 04/05/2008

j’avais vu le film il y a des années de cela, quand il était passé à la télé (je dirais en 1999 ou 2000).
Puis un jour, j’ai découvert le livre qui en est à l’origine. Ce bouquin de Folco m’avait vraiment plu, connaître cette dynastie de bourreaux.

Écrit par : loba | 04/05/2008

Comme loba, j’avais vu le Film, j’ai lu le livre en me disant ‘tiens ça me rappelle qq chose’ et oui ce bouquin est super !
Tu en parles formidablement bien Lou ! j’espère que d’autres seront convaincues
Et le tome 2 est encore MEILLEUR !!!
j’ai hâte d’en lire ta critique

Écrit par : fanny | 05/05/2008

les romans de JF Parot (tous les Nicolas Le Floch) mettent aussi en scène un bourreau de manière très « humaine », une autre manière de découvrir l’histoire et les histoires policières.

Écrit par : wictoria | 05/05/2008

voilà un billet ma foi fort alléchant! ;o)

Écrit par : choupynette | 05/05/2008

@ Héri : j’en suis ravie 🙂

@ Karine : il n’est pas si brrr que ça :p les exécutions sont peu nombreuses et on nous épargne les descriptions bien longues et bien sordides… vraiment, ça vaut le détour !

@ Loba : je serais assez curieuse de découvrir le film, maintenant.

@ Fanny : merci pour ton compliment, c’est sympa :)… eh oui je compte bien lire la suite !!

@ Wictoria : je me souviens que tu avais dit beaucoup aimer ses livres. J’ai un de ses romans dans ma PAL, je comptais le sortir bientôt de là justement !

@ Choupynette : n’hésite pas, fonce !

Écrit par : Lou | 05/05/2008

Archi tentée ! Tu le ramènes au prochain diner 😉 ?!

Écrit par : Praline | 06/05/2008

@ Praline : j’ai déjà promis de le prêter autour de moi mais je le rachèterai pour le dîner… à mon avis tu l’auras sans problème, je crois que personne n’en voulait la dernière fois, sauf cette petite folle de Lou qui l’avait demandé en Number 1 😉

Écrit par : Lou | 08/05/2008

J’ai aussi trouvé ce titre lors d’un passage en bouquinerie, j’ai lu plein de bons commentaires et tu en rajoutes. Je le fais remonter dans ma PAL donc! 🙂

Écrit par : Charlie Bobine | 08/05/2008

@ Charlie Bobine : j’ai acheté hier les deux tomes suivants d’occasion (comme ça j’ai d’ailleurs les couvertures que j’aime bien) !

Écrit par : Lou | 09/05/2008

J’adore Folco !

Je viens de terminer son dernier roman, « même le mal se fait bien ».

Pour info, les deux tomes livres, « un loup est un loup » et « en avant comme avant » se suivent mais ne sont pas une suite à proprement parlé de « dieu et nous seuls pouvons ». Ils se passent 1 siècle ou 1 siècle et demi après.

Si j’ai le droit, voici mon blog ou j’en parle un peu plus en détail, à l’occasion de mon CR de lecture de son petit dernier : http://livres-de-moi.blogspot.com/

Concernant le nez de Justinien, de mémoire il me semble que le film apporte une réponse, à savoir un grain de beauté sur le nez du bébé aperçu avant qu’on lui arrache, semblable au grain de beauté du seigneur du coin…

Écrit par : gordien | 11/05/2008

Merci Lou pour cette belle piqure de rappel concernant « Le bâtard de Dieu » que j’avais beaucoup aimé à sa sortie ;o))) Je ne me rappelais plus du titre du livre, mais voilà un oubli que tu viens de combler …. et une LAL qui ne ressemble plus à grand chose !!!

Écrit par : Nanne | 11/05/2008

@ Gordien : tu fais bien de préciser que les tomes suivants ne sont pas exactement une suite de l’histoire de ces bourreaux. Effectivement, j’ai vu ça la semaine dernière en me procurant les tomes suivants. Mais ça m’a l’air tout aussi palpitant ! Merci également pour le lien vers ton blog, où j’ai vu beaucoup de titres m’intéressant ! J’y reviendrai très prochainement !

@ Nanne : le pire ce n’est pas la LAL, mais la PAL :o) Je suis ravie de voir que beaucoup de lecteurs ont également aimé… je trouvais un peu dommage de voir que peu de gens étaient intéressés lors du dernier dîner livres-échanges.

Écrit par : Lou | 14/05/2008

J’ai lu ce livre il y a longtemps, peut-être 15 ans, mais je me souviens avoir beaucoup ri : c’est très drôle, très truculent. Ce roman a eu des suites, je ne sais pas ce qu’elles valent, pas plus que l’adaptation, mais celui-ci m’a laissé un excellent souvenir.

Écrit par : Ys | 16/05/2008

@ Ys : je parlerai bientôt des suites, mais je suis persuadée qu’elles vont me plaire également… dommage de ne pas croiser cet auteur plus souvent sur les blogs, car ce roman mérite vraiment le détour !

Écrit par : Lou | 18/05/2008

J’avais lu le premier tome il y a des années, sans savoir qu’il y aurait une suite ! Maintenant, il faut que je relise le tout car je ne me rappelle pas de grand chose à part que j’avais bien aimé 🙂

Écrit par : Joelle | 21/05/2008

@ Joëlle : ce n’est pas tout à fait une suite mais ça se passe dans les environs, à des époques différentes. Je parlerai sans doute bientôt du tome suivant !

Écrit par : Lou | 21/05/2008

Les deux suivants sont encore meilleurs! Quant au 4ème, il est sur ma LAL…

Écrit par : Grominou | 21/05/2008

@ Grominou : c’est une excellente nouvelle pour moi !:)

Écrit par : Lou | 22/05/2008

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