Révélation

213915152.jpgJ’ai beau m’intéresser de très près aux auteurs anglo-saxons, mes connaissances en matière de classiques français sont franchement limitées. J’ai eu beau faire un bac L et un début d’études littéraires, le déclic ne s’est jamais produit.

Non, la petite Lou ne s’est jamais précipitée sur les auteurs qu’il-faut-im-pé-ra-ti-ve-ment avoir-lus ; Si, petite Lou aurait un 0 pointé si la « Kultur » se limitait à la France et à ses grands écrivains (car quand elle était petite, Lou n’a-t-elle pas été bercée au son de fameuses tirades sur la grandeur de la France, patrie des artistes et de l’immense majorité des génies qui ont fait l’histoire de ce monde, et patati et patata ?).

Il y a bien eu quelques coups de cœur, oui. Avec Laclos et les Liaisons dangereuses (« je remarque que Laclos ne compte que des lectrices dans cette salle. Serait-ce une coïncidence ? », disait son professeur de français). Quelques Zola ou Balzac. Et en primaire, une passion foudroyante qui lui avait fait lire d’une traite les pièces de Molière les plus connues. Mais tout cela s’était produit de façon sporadique. Aujourd’hui, du haut de ses 25 ans, Lou n’a pas lu un seul roman de Nerval, pas plus qu’un seul livre de Proust ou de Huysmans (tous deux commencés mais discrètement repoussés dans la bibliothèque l’an dernier – cela dit, leur repos ne sera pas éternel).

Alors quand j’ai ouvert Pauline d’Alexandre Dumas, le choc a été radical. Loin de la nouvelle un peu bébête que j’avais lue l’an dernier, La Dame pâle, Pauline est un livre enivrant écrit en 1838. Connu à l’époque pour ses pièces de théâtre et des récits essentiellement ancrés dans un cadre historique, Alexandre Dumas signait là son premier roman contemporain.

Présenté comme une histoire véridique, Pauline débute avec un récit à la première personne, dans lequel Dumas dit avoir rencontré au cours d’un voyage son ami Alfred de Nerval. Celui-ci, accompagné d’une jeune femme qui souhaitait visiblement rester discrète, s’enfuit sans revoir l’écrivain. Quelque temps plus tard, le jeune Alexandre poursuit son voyage et finit par se rendre à Sesto Calende où l’attend la tombe de la jeune femme.

Puis s’ouvre rapidement la deuxième partie du roman, dans laquelle Alfred raconte l’extraordinaire histoire de l’inconnue. De Paris à la Normandie, puis en Angleterre, en Ecosse et en Italie, le narrateur amène le lecteur sur les traces d’une femme au sombre destin.

Ecrit sur un rythme haletant, ce roman mêle l’horreur à la tragédie dans un style qui rappelle en Angleterre les grands écrivains victoriens. Tous les ingrédients du roman gothique à la Radcliffe sont aussi réunis : le tombeau, la crypte, le cimetière, le château délabré, le sous terrain, l’orage, la tempête, le naufrage, l’homme obscur et mystérieux… dois-je continuer ?

Loin d’être un simple roman d’épouvante, Pauline se présente aussi comme un drame inspiré par le mouvement Sturm und Drang. A la lecture des mésaventures de l’héroïne, l’angoisse est tempérée par le fait que l’on connaît déjà la fin, inéluctable : Pauline ne survivra pas. De même qu’alors que l’histoire s’achève avec la lente agonie de l’héroïne, une question nous taraude : Pauline succombera-t-elle au charme de son fidèle allié ?

Dévoré pendant mes vacances, Pauline m’a séduite par cet intéressant mélange entre la subtilité d’une histoire au final bien triste et le recours aux ficelles les plus grosses du roman d’épouvante. Le cadre historique, l’alliance des différents personnages, les rebonds multiples (bien qu’un peu prévisibles), tout fait de cette lecture un immense moment de plaisir et me pousse à découvrir d’autres facettes d’Alexandre Dumas… et pourquoi pas ? D’autres auteurs utilisant des ressorts similaires.

Petit bémol : bien qu’attachants, les personnages sont un peu caricaturaux. Par-dessus tout, on regrette le peu de temps accordé au ténébreux comte, dont la psychologie complexe mériterait un portrait plus poussé.

Au final, une belle aventure, une excellente découverte et un roman qui m’a emportée bien loin d’ici. Voilà un beau voyage que j’aimerais encore avoir devant moi !

241 p

Alexandre Dumas, Pauline, 1838

 

Commentaires

Alors ma chère, quelle nouvelle ?

j’ai référencé votre site et fait un petit compliment

amitiés

Éric Poindron

Écrit par : Éric Poindron | 06/03/2008

Nous pouvons nous écrire plus longtemps demain

Toujours Éric

Écrit par : Éric Poindron | 06/03/2008

Moi qui n’étais pas certaine que je lirais ce titre pour le club de lecture… tu viens de me convaincre… et de façon magistrale!!!

Écrit par : Karine | 06/03/2008

On dirait même pas un classique!

Écrit par : Anne | 06/03/2008

Coucou Lou ! Je n’ai lu que l’introduction de ton billet car je compte lire « Pauline » pour le prochain club de lecture des blogueuses ! Mais je reviendrai. 🙂

Au fait, moi aussi je suis nulle en littérature classique française… à part ceux lus au collège et au lycée… et qui m’ont laissé très peu de souvenirs finalement !

Écrit par : Caro[line] | 06/03/2008

Moi aussi comme Caro je ne lis pas ton billet car je compte le lire pour le club des bloggueuses. D’après ce que tu dis, bonne lecture en perspective ! sympa !

Écrit par : Malice | 06/03/2008

Un petit cadeau pour Miss Lou, que j’avais écrit voilà quelques années pour « Le spectacle du Monde », le magazine que dirigeait Gonzague Saint-Bris…

La suite de l’aventure, vous pourrez la Lire dans les « Mémoires » de A.D. (2 gros volumes chez bouquins Laffont) que l’on peut lire comme le plus aventureux des romans, ou par petit bout, comme un témoignage indispensable de ce XIX siècle cavalcadant…

Éric Poindron

http://blog.france3.fr/cabinet-de-curiosites

ALEXANDRE DUMAS, UNE ENFANCE MOUSQUETAIRE,

Entre Champagne historique, Picardie d’aujourd’hui et très grande banlieue parisienne, il est une terre qui a l’art d’accoucher des grands hommes… Elle fait fi des départements, chevauche plaines et vallée et chahutte les administrations territoriales. Ce pays-là est celui de l’enfant Dumas, Alexandre « le grand » : « je suis né à Villers-Côterrets, petite ville du département de l’Aisne, situé sur la route de paris à (…) à deux lieues de La Ferté-Milon, où naquit Racine, à sept lieues de Château-Thierry, où naquit La Fontaine. »

Le 24 juillet 1802, donc, Alexandre Dumas-Davy de la Pailleterie, fils du général Thomas-Alexandre Davy de la Pailleterie, et de Marie-Louise Elizabeth Labouret, naît dans une maison bourgeoise avec jardin sur rue. « Dans la maison appartenant aujourd’hui à mon ami Cartier, qui voudra bien me la vendre un jour, pour que j’aille mourir dans la chambre où je suis né, et que je rentre dans la nuit de l’avenir, au même endroit d’où je suis sorti de la nuit du passé. » Citation, en passant, à l’intention de qui aurait des velléités avouées, ou non, de « panthéonisation »… Alexandre Dumas, futur auteur de quelques centaines de livres trépidants, historiques et populaires est un enfant de Villers-Côterrets, un enfant d’ici.

Impossible d’évoquer une telle enfance sans dire un mot du père. Fils d’une esclave de Saint Domingue, brillant militaire et opposant farouche à Bonaparte, le « mulâtre » est pour le jeune Alexandre, et à raison, un héros. Il y a du Porthos chez cet homme-là. Alexandre le vénère, le racontera dans ses « mémoires » et lui prêtera mille faits d’armes. Le « géant » décède, miné par la maladie, en 1806. Son fils à quatre ans. Dès lors, Dumas sublimera l’absent, cherchant toute sa vie à lui rendre hommage. Avec la mort du père, voici venu le temps des vaches maigres. L’enfant a cinq ans. Il grandit avec sa sœur et sa mère ; la première lui apprend à lire, la seconde à écrire, tandis que les abbés Grégoire et Fortier lui enseigne le latin. Les filles aiment sa compagnie et il le leur rend bien. Il charme par sa conversation, et les histoires qu’il invente, les cousines ou les demoiselles du voisinage. Un conteur et un séducteur sont en train de naître. L’enfant « long et maigre comme un échalas », aux « grosses lèvres roses et sympathiques » n’a, pourtant, que peu d’enclin à l’étude. À l’instruction et l’école, il préfère la « buissonnière » et la forêt de Retz, au nom délicieusement cardinalice. Il fréquente Boudoux, le colosse et l’homme des bois, qui lui apprend l’art de la survie. Avec lui, il vagabonde, déniche les oiseaux et braconne un brin. Il faut bien faire manger la famille. Combattre et se nourrir, deux credo pour une vie à venir. Puis vient l’entrée au collège, fondé par l’abbé Grégoire. Si l’enfance est un terrain de jeu, les enfants s’adonnent parfois des jeux violents. Les camarades sont parfois mauvais camarades. Bizut à son entrée, Alexandre n’hésite pas à donner le coup de poing à plus grand que lui afin qu’on le respecte. Il a le sens du duel et de l’honneur. D’Artagnan avant l’heure.

1814, l’empereur bat en retraite, on Craint les cosaques. Non loin, les Prussiens et les hussards français s’affrontent. Dumas aide à soigner les blessés. Louis XVIII prend les rênes et la restauration royaliste oblige l’abbé Grégoire à fermer le collège. Dumas retrouve la clé des champs. Il rêve devant la vitrine de l’armurier, se bat bec et oncle contre les jeunes royalistes qui le traite de bonapartiste ; lui, l’apprenti mousquetaire, le fils du général déchu par l’empereur !

Dumas à treize ans. Il fréquente les chasses de Villers-Côterrets. Les protecteurs sont légion et s’inclinent devant tant d’aptitude. On croit revoir son père. Dumas accumule les trophées, qu’ils soient perdrix ou sanglier. Il le racontera dans maintes livres n’hésitant pas à ajouter quelques broderies à ses exploits. Fin d’une époque. Le voilà saute-ruisseau chez le notaire de la ville puisqu’il faut bien vivre. Le jeune homme, qui ne tient pas en place, franchira bien davantage que les cours d’eau de son enfance. Paris n’est pas et n’est plus si loin… Le succès et la légende feront cause commune pour enfanter celui qui deviendra tout simplement Alexandre Dumas. Un enfant devenu très très grand…

Écrit par : Éric Poindron | 06/03/2008

jamais lu Proust et Nerval non plus !!
Tu me tentes bien. Je sais qu’il a été choisi pour le club de lecture des bloggeuses mais je ne sais pas si je le lirai dans ce cadre là

Écrit par : Emeraude | 06/03/2008

Bonjour Lou
Je n’ai pas lu tout ton commentaire sur ce roman, car je compte le lire bientôt pour le club des blogueuses, mais je crois que je vais aimer aussi ! Je suis une inconditionnelle du Comte de Monte-Christo !

Écrit par : kathel | 06/03/2008

J’ai eu un doute… Monte Cristo, sans H, bien sûr !

Écrit par : kathel | 06/03/2008

L’ETRANGE QUESTIONNAIRE

Chers ami(e)s, lecteurs, écrivains ou non, cher tous…

Voilà un petit questionnaire que je me suis amusé à imaginer. Il ne s’agit pas d’un test psychologique ni d’une grille de recrutement savamment imaginée par des cerveaux tortueux ou torturés. Ce sont seulement des questions ouvertes destinées à nourrir un peu de romanesque. C’est une espèce de « cadavre exquis » qui peut mener quelque part…

Les réponses reçus ont été souvent surprenantes et formidables, étranges et bien plus…

Il est toujours curieux de rencontrer l’autre, surtout lorsqu’il répond comme vous ou possède une bibliothèque presque identique…

Le principe est assez simple : il suffit de répondre à chaque question en une minute au maximum. Soixante questions, donc une heure.

Toutefois ne regardez pas votre montre à chaque question : laissez l’écriture définir le temps.

N.B. Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi vous présenter – sous la forme que vous souahitez – en quelques lignes. n’hésitez pas non plus à mettre votre adresses ou vos blogs et sites afin de tisser d’autres toiles…
Enfin, vous pouvez aussi envoyer l’étange questionnaire à vos amis, ils sont les bienvenus.

Pour en savoir plus, découvrez « L’Étrange Questionnaire » sur Le Cabinet de Curioistés d’Éric Poindron :

http://blog.france3.fr/cabinet-de-curiosites/

Écrit par : Éric Poindron | 07/03/2008

J’en garde un bon souvenir… mais il faut dire que Dumas a l’art d’entrainer son lecteur au bout du monde. Entre Monte Cristo et les mousquetaires, rien ne laisse de répit au lecteur.

Écrit par : praline | 08/03/2008

@ Eric Poindron : c’est une nouvelle de vampires qui m’avait un peu déçue. Malheureusement le lien ne fonctionne pas en ce moment mais si cela vous intéresse je rechercherai le lien dans les archives. Merci pour ce texte sur Dumas qui m’intéresse énormément ! Quant à l’étrange questionnaire, je posterai mes drôles de réponses prochainement !
Merci pour l’intérêt que vous portez à ce blog, votre mot sur le Cabinet des curiosités et vos fréquents mots ici… cela me touche beaucoup !

@ Karine : ah, ça me fait plaisir !! Ravie de partager bientôt avec toi ce bonheur littéraire !

@ Anne : je prends ça pour un beau compliment, car je crois que pour beaucoup d’autres lecteurs les classiques français ne sont pas assez souvent associés au simple plaisir de la lecture…:o)

@ Caro[line] : ravie de voir que tu vas le lire prochainement… peut-être pourrais-tu toi aussi promouvoir les classiques français, car ton blog reste toujours étroitement associé pour moi à une passion pour la littérature française contemporaine… de là à retrouver ses origines, un seul petit pas à franchir ?

@ Malice : eh bien je n’ai plus qu’à attendre ton avis le 1er mai (si je ne me trompe pas) :o)

@ Emeraude : n’hésite pas à lire ce roman, c’est un chouette récit palpitant, comme je les adore ! … et je serais étonnée d’être la seule séduite !

@ Kathel : maintenant une question taraude => quel Dumas lire ? « Le Comte de Monte Cristo » est une option bien tentante… si je n’avais pas encore en tête la prestation de Depardieu dans le téléfilm tiré du roman, je me déciderais facilement pour ce livre-là !

@ Praline : Peut-être pourrais-tu me donner des conseils toi aussi ?:o)

Écrit par : Lou | 09/03/2008

Je n’ai fait que survoler ton billet …. vu que ce titre est celui choisi pour la prochaine lecture du club des blogueurs et blogueuses !

Écrit par : Joelle | 12/03/2008

J’aime beaucoup la couverture du livre. Mystérieuse, inquiétante… Je pense le lire.

Écrit par : La liseuse | 13/03/2008

@ Joëlle : j’ai vraiment hâte de voir vos avis arriver… j’ai déjà bien profité du mouvement intense « Je, François Villon » :o)

@ La liseuse : moi aussi j’adore la couverture… mais c’est surtout lorsque j’ai lu quelques mots sur ce livre et que j’ai vu des mots tels que château et crypte (ou quelque chose dans ce genre) que je me suis dit qu’il me fallait absolument lire ce bouquin !

Écrit par : Lou | 13/03/2008

Quelle belle analyse, tu as fait un beau travail, je la mets en lien dans mon article.

Écrit par : Nina | 01/05/2008

@ Nina : merci, c’est très sympa:)

Le lien de Nina : http://de-page-en-page.over-blog.com/article-19194720.html

Écrit par : Lou | 02/05/2008

Je rentre en master et je fais mon mémoire sur Dumas, mais pas sur cette nouvelle je m’intéresse davantage à son aspect historique. Mais tu m’as donnée envie de découvrir cette facette de l’auteur. Merci

Écrit par : Anneso | 24/07/2009

@ Anneso : je serais très curieuse d’en savoir plus sur ton mémoire et tes lectures actuelles. Je pensais lire un autre de ses livres cette année mais j’ai beaucoup de romans en retard et je vais finalement peut-être attendre un peu. J’ai vraiment aimé ce livre, il faut dire qu’il m’a séduite par son aspect faussement gothique aussi.

Écrit par : Lou | 26/07/2009

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